Ci-gisent trop de morts dans les carrés juifs et musulmans

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Par Willy Le Devin — 5 septembre 2009 à 00:00

Paris. Les zones confessionnelles des cimetières sont saturées, au désespoir des familles.

Ci-gisent trop de morts dans les carrés juifs et musulmans

Mourir à Paris lorsque l’on désire reposer dans un carré confessionnel est assurément un casse-tête légué aux proches. Depuis quelques temps déjà, certains cimetières parisiens arrivent à saturation. Et les familles de confessions juive et musulmane ont de plus en plus de difficulté à trouver des places selon leur souhait.

Un carré musulman de 128 places vient bien d’être créé par la mairie de Paris dans le cimetière que la ville possède à Ivry, dans le Val-de-Marne, mais pour les familles juives «le problème se pose avec une extrême acuité sur le cimetière de Pantin[Seine-Saint-Denis],explique Jack-Yves Bohbot, vice-président du Consistoire central de France. En raison de l’emprise foncière des immeubles autour, aucun agrandissement n’est possible». Résultat : «Le carré juif y est plein à craquer. Désormais vous pouvez voir dans la 78e division des tombes juives mélangées avec celles des autres défunts. Pour les personnes désirant respecter les règles de la tradition juive, c’est un vrai souci.»

«Tolérance». A la mairie de Paris, également propriétaire d’un cimetière de Pantin, le problème est pris très au sérieux. Le service de presse commence toutefois par une précision juridique : «La présence de carrés confessionnels dans les cimetières n’est pas inscrite dans la loi française, puisque les lieux d’inhumation sont placés sous le coup de la loi de 1905 séparant l’Eglise et l’Etat. De ce fait, la ville n’a aucune obligation en termes de nombre de places accordées en carrés confessionnels. Il s’agit simplement d’une tolérance que nous accordons. Néanmoins, nous reconnaissons que sur certains cimetières, notamment à Pantin, un réel problème se pose.»

De plus en plus de familles juives, qui échouent dans leurs recherches de places en carrés confessionnels, contactent le Consistoire central pour demander de l’aide. «Il faut savoir que la religion juive est assez contraignante en termes d’inhumation, poursuit Jack-Yves Bohbot. Le corps doit être mis en terre dès le décès et les incinérations sont interdites. Néanmoins, en raison du manque de place en carrés juifs, certaines organisations judaïques commencent à tolérer les crémations (NDLR : Inutile de préciser que cette conduite n’est pas celle acceptée par la Halakha et que ce sont des communautés libérales qui l’ont adoptée !) .»

D’autres moyens existent pour trouver une concession comme l’explique le service des cimetières de la mairie de Paris : «Nous jouons sur les concessions qui ne sont pas perpétuelles, mais louées pour dix, quinze, ou trente ans. Lorsqu’une tombe ne fait l’objet d’aucun renouvellement, nous procédons à une exhumation administrative et la concession est réattribuée à une famille. Cependant, ces exhumations administratives ne sont pas systématiquement réalisées en carrés confessionnels, c’est pourquoi des tombes juives sont maintenant disséminées un peu partout dans les cimetières parisiens. Les familles très à cheval sur les traditions refusent cette solution, mais les plus modérées acceptent, faute de mieux, d’être mêlées aux autres.»

Rabbin présent. La place étant rare, il arrive aussi que des tombes juives soient exhumées administrativement à l’issue des concessions. Mais là encore, la tradition ne permet pas de le faire dans les conditions ordinaires. Un ossuaire spécifique est prévu au cimetière du Père Lachaise, à Paris. «Les os du corps doivent être récupérés dans leur intégralité, dit Jack-Yves Bohbot. Afin de veiller au respect de cet aspect, nous avons déposé une demande auprès de la mairie afin que les exhumations aient toujours lieu en présence d’un rabbin. Environ mille exhumations de ce type sont assurées chaque année, c’est dire l’amplification du phénomène.»

En permettant des réductions de tombes conformes à la tradition, l’ossuaire du Père Lachaise apporte un palliatif à la «surpopulation» des cimetières de la capitale. Malheureusement, l’ossuaire lui-même frôle la saturation. La municipalité étudie la construction d’un nouvel ossuaire à l’horizon 2013. Mais elle s’inquiète d’un phénomène propre à la communauté juive : «Pour être inhumé à Paris, il faut habiter la capitale, ou décéder sur le territoire de la commune, dit-on au service de presse. Or, des familles juives utilisent des prête-noms pour enterrer à Paris leurs proches vivant en province.»

Jack-Yves Bohbot tempère : «Je ne nie pas que ce procédé ait existé mais il s’est atténué depuis quelques temps avec la multiplication des contrôles exercés au niveau du fisc et de la domiciliation. Aujourd’hui, ce problème est à mon avis mineur, mais il révèle une autre vérité. Si les juifs utilisent des prête-noms pour être enterrés à Paris, c’est que peu de carrés confessionnels existent également en province…»

Conséquence de ces difficultés, environ 10 % des juifs décédés dans la capitale sont désormais rapatriés en Israël. Un chiffre en constante augmentation selon le consulat de l’Etat hébreu.

Willy Le Devin

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