Les Juifs de France se sont inquiétés de Le Pen. A présent, un autre candidat présidentiel a de quoi les inquiéter tout autant…
Même avant que le candidat chaveziste Jean-Luc Mélenchon ne sorte des sondages comme un sérieux challenger dans présidentielle française, ces élections semblaient déjà prendre un tour fatidique pour les environ 500.000 Juifs du pays.
Beaucoup sont inquiets des scores dominants réalisés par Marine Le Pen dans ces sondages (selon certains pronostics, elle sortirait en tête du premier tour), qui prône une politique xénophobe et a des racines profondément ancrées dans le révisionnisme et les sympathies vichystes de son père. Certains parlent même de quitter la France si Marine Le Pen devait l’emporter, ce qui reste néanmoins peu probable, le 7 mai.
Quoi qu’il en soit et qui devrait provoquer une crise de régime durable, si jamais Marine Le Pen demeure la principale rivale de celui qui doit sortir des urnes en vainqueur, le FN non-réformé, c’est-à-dire, malgré les tentatives dites de « dédiabolisation » contre le père, dirigé par la bande à Chatillon, pourra fièrement s’exhiber comme « le second parti de France ».
Allons même plus loin, si Emmanuel Macron l’emporte par crainte raisonnable de l’inconnu sous Le Pen, puisqu’il ne dispose pas d’un parti institutionnalisé, mais d’un mouvement de circonstance fait de bric et de broc (« En marche et on verra plus tard »…), c’est finalement Le Pen qui représente « l’opposition », une bonne partie des autres concurrents devant aller à la gamelle pour retrouver une raison d’être, entre un PS hamonien à 10% et un Parti républicain en refondation à moins de 20% d’intention de votes, pour prendre ses distances avec les « casseroles » trop bruyantes traînées par ses précédents chefs de file.
Voir rappliquer Galouzeau de Villepin, l’homme disant qu’Israël « n’est qu’une parenthèse dans l’histoire du Moyen-Orient », ou les vieilles lunes comme Bertrand Delanoë chercher à rempiler, nous fait immédiatement songer à un immense bain de jouvence façon recyclage de pièces usagées, fabrique de vieux avec du neuf, et certitude que le mouvement dynamique de départ va rapidement entrer en obsolescence accélérée, au même rythme que les modèles déjà en circuit sur le marché…
Admettons même que François Fillon l’emporte, dans un de ces coups de panache contre tout pronostic, il retrouve dès la rentrée prochaine et sans « état de grâce », toute la bande des outsiders, finalement, pas si loin d’emporter la timbale, dont les milices CGTistes animées d’esprit de revanche qui sied tant à Jean-Luc Mélenchon… Il y aurait, en effet, tant à « contester » dans sa légitimité (ou sa bonne moralité provinciale) que, comparativement, les lois Macron-El Khomry donneront l’impression d’un roman rose pour jeunes filles en fleurs…
Quoi qu’il en soit, le suffrage universel, la sanction des urnes, ici, semblent en retrait, prendre une odeur de naphtaline type IVème République : bien plus sûrement, après ce quinquennat hollandiste très « chahuté », la perte de prestige et de légitimité de la fonction présidentielle comme de la représentativité à l’assemblée mènent à ce type de situation de ballottage permanent, où personne n’est ni vraiment légitime, ni vraiment vaincu définitivement et où ce qui a été perdu face aux autres prétendants peut se regagner quotidiennement, soit par tribunes de presse bien croustillantes, assorties de nouvelles affaires à scandales, soit/et par la descente dans la rue…
En l’absence de leaders incarnant vraiment un pouvoir respectable, le « système » risque sa propre auto-dissolution. C’est là où le poids à 20% de mécontents chroniques derrière leur tribun gueulard Mélenchon peut prendre l’allure d’un mouvement de contestation et de déstabilisation durable, puisqu’il n’ y a plus grand chose à attendre du « système » – comme disent ne pas en être, ces couards qui s’en nourrissent -, mais que, d’un autre côté, il est assurément irréformable de par la force des pancartes agitées et des baïonnettes qui menacent d’investir l’assemblée.
En vrac, on va droit à un mode de société ingouvernable…
C’est là où, pour les Juifs de France, la percée de Mélenchon a fait l’effet d’un météorite que l’on attendait « moins », alors qu’il s’agit d’un tribun anti-israélien qui détient un palmarès rarement égalé de déclarations flirtant avec l’antisémitisme dignes des années 30.
Voici maintenant les Juifs de France pris dans un étau entre les deux extrêmes, où Mélenchon accueille dans ses urnes tous les réprouvés du socialisme façon Hollande, donc déçus d’Hamon comme de Macron. Le Tribun de la « France Insoumise » a atteint les 18 à 20% des sondages, ce qui le met dans un mouchoir de poche dans le quatuor final pour ce premier tour, alors qu’il ne disposait que de 9 % en février, derrière Hamon.
« Je ne perçois aucune différence significative entre Mélenchon et le Front National sur beaucoup de questions », a souligné Joann Sfar, dessinateur, romancier et cinéaste réputé qui avait pourtant l’habitude de soutenir des causes proches du Parti Communiste. « Tous les deux sont entourés de germanophobes, de nationalistes et de Français d’abord ».
Pour avoir osé ce bras d’honneur à l’icône, le message de Sfar s’est attiré des déclarations de haine contre lui sur les réseaux sociaux, de la part des milices mélenchonistes.
Le CRIF fait également le parallèle et renvoie dos-à-dos Melenchon et Le Pen.
« Tous les deux sont un danger pour la démocratie » selon Francis Kalifat, le nouveau Président du CRIF qui a banni les contacts avec ces deux représentants des extrêmes.
La « rue juive », comme ils disent toujours, va certainement plus loin dans l’identification de l’antisionisme comme expression remaniée de l’antisémitisme traditionnel, là où les institutions restent en retrait pour ne pas en perdre leur « politiquement correct » qui leur donne droit de cité auprès des « autorités ». De fait, elle peut se montrer gré d’un certain effort de ripolinage de la façade, dans la résidence de famille de la dynastie Le Pen, alors que Mélenchon se sent un boulevard insurrectionnel à portée d’urne, du côté des fameuses banlieues défavorisées et autres zones de non-droit interdites aux forces de l’ordre.
Mélenchon, 65 ans, ancien ministre socialiste-adjoint, est né de parents espagnols dans ce qui est aujourd’hui le Maroc. Il soutient un boycott total d’Israël, pays et peuple qu’il traite de « voleurs ». Mais, fin psychologue, à l’égard de ces couches musulmanes clairement définies par George Bensoussan comme ayant tété l’antisémitisme avec le lait de leur mère, il n’omet jamais de traquer le Juif introduit en politique comme une sorte de « sous-marin » consacré au « grand capital » ou pire, allié masqué de Etat Juif maudit.
Sa rhétorique pleine de promesses totalement démagogiques et extrêmement coûteuses une fois chiffrées, prône la sortie « négociée » de l’Europe, sans savoir comment procéder ni qui, à l’extérieur pourrait bien l’accepter. Il jure que l’argent pourrait provenir de « nouveaux marchés » qu’il compte ouvrir avec le Président russe Vladimir Poutine et certains pays d’Amérique latine riche en pétrole, comme le Venezuela, dont le Président Maduro est en passe de finir pendu à un lampadaire ou un crochet de bouchers par son peuple qui ne supporte plus sa dictature et le chaos dans lequel il a entraîné le pays.
Ces visions d’hologramme mal enraciné sur terre provoquent plus que de la méfiance chez de nombreux Juifs de France, sans compter avec ses affirmations proprement antisémites à propos même de proches, mais Juifs, dans le spectre politique, comme Pierre Moscovici. Celui-ci a fait les frais de ses remarques à connotations sorties des années 1930, en disant que ce fils d’immigrés juifs roumains « pense en termes de finance internationale, et pas en français ». Il a ensuite déclaré que les dirigeants de la communauté juive le désignait comme un ennemi public. Mais à qui la faute?
C’est à Grenoble, moins d’un mois après les attaques ciblées contre 9 synagogues, au cours de la vague de violences antijuives de l’été 2014 et de manifestations en partie interdites, en soutien au Hamas, que Mélenchon a fait l’éloge de ces casseurs-émeutiers antijuifs. Il a aussi unilatéralement condamné les Juifs de France pour avoir exprimé leur solidarité avec Israël, lors d’un rassemblement devant l’ambassade de l’Etat hébreu.
« Je veux féliciter la jeunesse de mon pays qui s’est mobilisée pour défendre les victimes mibles des crimes de guerre à Gaza », a proféré alors Mélenchon devant l’assemblée générale de son parti. « Elle l’a fait avec un sens remarquable de la « discipline » – l’hôpital se fout de la charité – alors qu’elle était poussée vers les extrêmes de tous côtés. Ils ont su rester dignes et ils ont incarné mieux que quiconque les vraies valeurs de la République ».
Mélenchon n’a, à aucun moment, mentionné les attaques contre les synagogues ni la vague de violences antisémites accompagnant ces manifestations interdites par la République. Mais il a poursuivi en insultant les Juifs ayant osé montrer leur soutien à Israël.
« Si nous avons quoi que ce soit à condamner ici, ce sont les actions de ces citoyens (sous-entendu : mus par leur double-allégeance) qui ont décidé de se rassembler en face de l’Ambassade d’un pays étranger qui servent son drapeau les armes à la main », a t-il déclaré en stigmatisant le jeune juif franco-israélien qui ose encore défendre l’Occident contre le djihad -force tranquille que soutient Mélenchon.
Mélenchon s’est aussitôt permis d’ajouter : « Nous ne croyons pas qu’un peuple soit supérieur à un autre – allusion directe à la notion de « peuple choisi » dans la Tora -, ce qui signifie simplement que ce peuple endosse des responsabilités ou mitsvoth supplémentaires…
« Nous en avons assez du CRIF », déclarait Mélenchon, en criant : « La France c’est l’inverse de ces communautés agressives », insinuant que si des Juifs étaient tués par Merah ou Coulibaly, c’est simplement qu’il l’avaient bien cherché.
On vous renvoie ici aux éditoriaux déjà rédigés, notamment par François Heilbronn.
Emmanuel Macron jouit d’une aura favorable parmi les strates élevées de la communauté, alors que François Fillon reste englué dans la boue qu’on a beaucoup remué et jusqu’au dernier moment sous ses pas. A l’instant, Bernard Cazeneuve sur BFMtv a choisi pour cibles post-attentat des Champs-Elysées Marine le Pen, mais à égalité, le chef de file des Républicains qu’il s’agit de mettre dans le même panier. C’est illogique et sortir de son rôle d’arbitrage de dernière ligne et façon de politiser les derniers événements, sachant que macron manque d’épaules en matière régalienne et qu’il faut donc que l’exécutif en place lui souffle la ligne de conduite à adopter.
Il ne reste plus, dimanche qu’à faire son devoir contre vents et marées et, le cas échéant, contre mauvaise fortune bon cœur pour le second. ais, surtout, il faut se préparer (dans tous les sens du terme) à un risque majeur de déstabilisation dans les semaines à venir, où la communauté juive pourrait, plus souvent qu’à son tour, être prise à parti(e). Toutes les périodes de crise économique ou institutionnelle ont connu leurs lots de pogroms. Il n’ a pas de raison particulière d’être optimiste pour les années à venir en France.
Avec Le Pen ou du moins son entourage, ses sbires, on craint toujours, raisonnablement, le retour du vieil antisémitisme d’extrême-droite sous une forme relookée, mais dont on vous dit toujours que ça n’arrivera plus jamais, « ça ». Mélenchon quant à lui a déjà lourdement investi dans la nouvelle mode fournie avec le keffieh de « l’insurgé », si facile à transformer en djihadiste…
Slogan possible : Weimar, en a marre…
Par Marc Brzustowski, pour ©JForum avec agences dont (JTA) —