Damas double Israël et conclut un accord avec les Druzes

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Syrie vers une nouvelle donne

Alors que la Syrie sort lentement des décombres de plus d’une décennie de guerre civile, deux accords récents pourraient bien redessiner l’avenir du pays. En moins d’une semaine, le nouveau président syrien, Ahmed al-Sharaa, a paraphé deux ententes majeures avec les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les dirigeants druzes de Suweida. Ces développements marquent un tournant décisif, avec l’intégration progressive de deux groupes longtemps considérés comme périphériques au pouvoir central de Damas.

Kurdes et Druzes : deux rapprochements stratégiques

Le 11 mars, Mazloum Abdi, chef des FDS, a signé un accord qualifié d’« historique » avec le président Sharaa. Cette entente ouvre la voie à l’intégration progressive des FDS, une coalition dominée par les Kurdes et soutenue par les États-Unis, au sein des institutions syriennes. Le texte prévoit la reconnaissance pleine et entière des droits des Kurdes en tant que communauté autochtone de l’État syrien, ainsi qu’une feuille de route d’intégration à finaliser dans les neuf mois.

De son côté, la région druze du sud du pays a, elle aussi, engagé un processus de réintégration aux structures de l’État. Selon plusieurs médias, dont Al Jazeera et SANA, un accord a été conclu entre Damas et les responsables locaux de Suweida. Celui-ci stipule que les agences de sécurité seront désormais rattachées au ministère de l’Intérieur syrien, avec un encadrement mixte : un chef de police nommé par Damas, secondé par un adjoint issu de la population locale. Trois cents agents des forces de sécurité syriennes seront déployés dans la région, tandis qu’une nouvelle force de police locale sera créée.

Des motivations complexes, un objectif commun
Si ces deux accords semblent converger vers une même volonté de stabilisation, les motivations en coulisses sont plus nuancées. Pour les FDS, c’est une tentative de sécuriser l’avenir kurde dans une Syrie post-guerre, alors que le soutien international s’effrite et que les pressions turques ne faiblissent pas. Pour les Druzes, il s’agit avant tout d’une stratégie de survie. Fragilisés par l’absence de protection militaire suffisante, traumatisés par des attaques sanglantes comme celle de l’État islamique en 2018, les habitants de Suweida ont longtemps craint une marginalisation voire des persécutions.

L’arrivée au pouvoir de Sharaa, issu du mouvement Hayat Tahrir al-Sham (HTS), connu pour ses positions radicales, a accentué ces inquiétudes. Néanmoins, la volonté d’apaisement manifestée par le nouveau président semble avoir ouvert un espace de dialogue inespéré.

Une nouvelle architecture de pouvoir
L’accord avec les Kurdes est sans doute celui qui suscite le plus d’attention sur la scène internationale. Longtemps considérés comme des partenaires-clés des États-Unis dans la lutte contre l’État islamique, les FDS ont vu leur position se fragiliser avec le retrait progressif des troupes américaines. Aujourd’hui, en intégrant les structures de l’État syrien, ils misent sur une légitimité institutionnelle durable. Le Conseil démocratique syrien (SDC), bras politique des FDS, salue une « étape charnière » vers un État pluraliste et démocratique.

Du côté de Suweida, les négociations ont également permis de poser les bases d’un modèle de gouvernance mixte, où la présence de Damas s’exerce sans exclure les élites locales. Une méthode pragmatique, qui pourrait servir de modèle à d’autres régions.

Israël, toujours en alerte
Face à ces mutations, Israël suit de près l’évolution de la situation. Historiquement préoccupé par la sécurité des minorités, notamment druzes, Israël avait multiplié les signaux de soutien. Des drapeaux israéliens brièvement aperçus à Suweida ont témoigné de cette proximité discrète, bien que vite effacée. Mais si l’accord druze est pleinement mis en œuvre, la nécessité d’une protection extérieure pourrait s’amenuiser.

Cela n’empêche pas Israël de rester vigilant. Les frappes aériennes récentes dans le sud de la Syrie et les appels à une démilitarisation de la zone montrent que Jérusalem ne baissera pas la garde. Les dérives extrémistes de certains groupes liés à Damas, notamment les massacres récents à Lattaquié, rappellent que la stabilité reste fragile.

Une opportunité pour Israël
Toutefois, cette recomposition syrienne pourrait aussi être perçue comme une ouverture. Si Damas parvient à contenir les éléments les plus radicaux de son appareil sécuritaire et à garantir les droits des minorités, cela pourrait indirectement renforcer les intérêts d’Israël : un voisin plus stable, moins soumis à l’influence de l’Iran et potentiellement moins agressif.

Dans ce contexte, la main tendue vers les Druzes et les Kurdes ne doit pas être vue comme une menace, mais comme une possibilité — celle d’une Syrie réorganisée, plus pragmatique, dans laquelle les intérêts israéliens pourraient mieux s’inscrire à moyen terme.

Jforum.fr

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