Le Shabak publie son enquête interne sur le 7 octobre

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Le Shabak a publié ce soir (mardi) son enquête interne sur les défaillances qui ont conduit au 7 octobre. Le rapport reprend les éléments qui ont précédé ce jour dramatique et également sur la nuit du 6 au 7 octobre.

Tout en reconnaissant que l’attaque aurait pu être évitée « si le Shabak avait agi différemment », cette enquête pointe surtout un doigt accusateur vers les autres acteurs: l’échelon politique et l’armée.

Concernant les mois et les années qui ont précédé le 7 octobre

  • Défaillances du traitement des renseignements: le plan « Mur de Jéricho » du Hamas avait été identifié dès 2018 et 2022, mais n’avait pas été analysé comme une menace concrète.
  • Absence de répartition claire des responsabilités avec Tsahal : le Shabak ne comprenait pas pleinement sa responsabilité en matière d’alerte face à une attaque militaire d’ampleur.
  • Mauvaise priorisation dans la lutte antiterroriste: le Shabak s’est concentré sur la prévention du terrorisme, sans se préparer à une menace militaire.
  • Analyse défaillante des renseignements dans la nuit du 6 au 7 octobre: les signes avant-coureurs n’ont pas été correctement interprétés.
  • Défaillances des mécanismes de contrôle: aucune vérification externe n’a été menée pour identifier d’éventuels dysfonctionnements.
  • Surestimation de la solidité de la barrière frontalière avec Gaza: le Shabak pensait que Tsahal était bien préparé et n’avait pas anticipé l’effondrement du système de défense.
  • Priorité donnée de manière erronée à la Judée-Samarie: le Shabak estimait que le Hamas se focaliserait sur la Judée-Samarie et ne lancerait pas d’attaque d’envergure depuis Gaza.

Les éléments qui ont accéléré la décision du Hamas de passer à l’acte selon le Shabak: l’accumulation des tensions sur le Mont du Temple, le traitement des terroristes dans les prisons israéliennes (en référence aux politiques de l’ex-ministre Itamar Ben Gvir) et la perception d’un affaiblissement de la société israélienne en raison des divisions liées à la réforme judiciaire.

À partir de juillet 2018 et jusqu’à l’opération « Gardien des Murailles » en mai 2021, une politique a été mise en place vis-à-vis de la bande de Gaza, conduisant à une situation de « régulation ». L’objectif principal de cette politique était de contenir le Hamas en échange de l’acceptation par Israël de mesures économiques et civiles.

Cela s’est notamment traduit par :

  • Le transfert de fonds qataris pour le paiement en espèces des salaires des fonctionnaires du Hamas.
  • L’extension de la zone de pêche jusqu’à 15 miles nautiques.
  • Le lancement de projets civils à Gaza.
  • L’autorisation d’entrée pour environ 5 000 commerçants.

Parallèlement, des mesures défensives ont été développées, avec notamment la construction de la barrière frontalière et du mur solaire.

Le Shabak a estimé que l’opération « Gardien des Murailles » avait été une victoire claire pour le Hamas. Lors de la prise de fonction du directeur du Shabak en octobre 2021, une analyse stratégique a été présentée au gouvernement, indiquant notamment : « Il ne faut pas accepter l’existence d’une entité issue des Frères musulmans, dotée de capacités militaires et liée à l’axe chiite, à proximité immédiate de la frontière dans la bande de Gaza. Cela doit être empêché par une frappe militaire, une réduction des contrebandes et un mécanisme de reconstruction égyptien empêchant le renforcement militaire du Hamas. »

En conséquence, le Shabak a recommandé une politique proactive, évitant d’être entraîné dans des cycles de combats répétés et élaborant des plans en ce sens. Le Shabak ne considérait pas le Hamas comme dissuadé, selon le rapport.

L’enquête révèle que le Hamas a pu bâtir une force militaire significative grâce à plusieurs défaillances israéliennes :

  • Politique du  »calme contre de l’argent »: Le financement qatari a permis au Hamas de se renforcer militairement.
  • Dissuasion israélienne affaiblie: Les décisions du gouvernement ont convaincu le Hamas qu’Israël ne prendrait pas de mesures préventives.
  • Absence d’opérations offensives proactives: Tsahal et le Shabak ont évité les frappes en profondeur, permettant au Hamas de se préparer à une attaque.
  • Le manque de sources humaines sur le terrain à Gaza: le Shabak explique que le recrutement et l’utilisation des sources humaines ont été entravés par l’absence d’accès direct à Gaza. Depuis 2018, des opérations israéliennes qui ont été mises à jour à Khan Younès ont fortement impacté les capacités de renseignement humain. Même si le Shabak a réussi à recruter de nouvelles sources par la suite, les restrictions d’accès ont posé des obstacles majeurs au recrutement et à l’exploitation de ces sources, en particulier ces dernières années.
  • Absence de remise en question des hypothèses de travail: le Shabak n’a pas suffisamment remis en question ses hypothèses et se préparait davantage à une attaque du Hamas en Judée-Samarie que depuis la Bande de Gaza. Le Shabak précise, parallèlement dans son rapport, qu’il avait mis en garde contre l’effritement de la dissuasion israélienne, qui encouragerait des acteurs comme le Hamas à prendre davantage d’initiatives audacieuses.

Sur la nuit du 6 au 7 octobre:

Aux alentours de 01h00, le Shabak a publié un rapport estimant que le Hamas ne cherchait pas à provoquer une escalade. Il indiquait : »Une série d’indices inquiétants montrent que le Hamas se prépare à une situation d’urgence. Cependant, sur le terrain, les signes d’une routine normale et la volonté de maintenir la retenue sont toujours présents. Avec l’accord en arrière-plan, il est estimé que le Hamas ne souhaite pas une escalade à ce stade ».

À 03h03, une alerte générale a été transmise concernant une activité inhabituelle du Hamas, mais elle n’a pas été interprétée comme une préparation à une attaque majeure.

Jusqu’à 04h30, 45 réseaux de communication du Hamas (« SIM ») ont été activés, mais l’événement n’a pas été perçu comme une alerte critique, car un nombre plus important de ces réseaux avait été utilisé l’année précédente.

Un bilan d’urgence à 04h30 a relevé une possible tentative d’enlèvement, mais il n’a pas été envisagé qu’il s’agissait d’une offensive généralisée.

Le Shabak précise qu’un groupe de combattants a été envoyé dans le sud pour se préparer à d’éventuelles incursions.

Après le début de l’attaque du Hamas

Dès le début de l’offensive, le Shabak a rapidement mis en place des centres de commandement pour :

  • Gérer la crise des otages
  • Identifier les personnes disparues
  • Neutraliser les cellules d’attaque du Hamas

Le Shabak a également interrogé des combattants du Hamas capturés, obtenant des renseignements clés pour les forces israéliennes.

Il a coordonné ses actions avec Tsahal pour repérer les cellules de combattants retournées à Gaza après l’attaque et a déployé des forces spéciales sur différents fronts, y compris au nord, en cas d’infiltration du Hezbollah depuis le Liban.

Leçons principales et mesures déjà mises en œuvre

Pour éviter qu’un tel échec ne se reproduise, le Shabak a lancé plusieurs réformes majeures :

  • Création d’une unité de surveillance en temps réel pour analyser les renseignements en direct.
  • Renforcement de la division de la recherche, avec un mécanisme d’examen critique des évaluations stratégiques.
  • Mise en place d’une unité de lutte contre le financement du terrorisme, en coopération avec Tsahal.
  • Création d’un département spécial pour interroger les prisonniers du Hamas capturés à Gaza.
  • Réorganisation du déploiement des unités de renseignement à Gaza pour améliorer la collecte d’informations humaines.
  • Développement de nouveaux modèles d’alerte dans toutes les divisions de prévention.
  • Clarification des responsabilités avec Tsahal, en attribuant explicitement à l’armée la responsabilité de l’alerte en cas de guerre.

Le Shabak conclut que l’organisation a échoué à anticiper l’attaque du Hamas en raison d’une succession de décisions erronées, tant sur le plan professionnel que managérial.

Le directeur du Shabak, Ronen Bar (notre photo), a déclaré : « Le service de sécurité intérieure n’a pas empêché le massacre du 7 octobre. En tant que chef de l’organisation, je porterai ce poids sur mes épaules toute ma vie. L’enquête montre que si le Shabak avait agi différemment dans les années précédant l’attaque et dans la nuit du 7 octobre, le massacre aurait pu être évité. Ce n’est pas le niveau d’exigence que nous avions pour nous-mêmes, ni celui que le public attendait de nous. L’enquête prouve qu’il n’y avait aucune sous-estimation de l’ennemi, bien au contraire. Il y avait une volonté d’agir, d’affronter la menace et de l’éliminer à la racine. Pourtant, nous avons échoué. »

Source : LPHInfo

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