Par Thierry Amouyal pour Tribune Juive
17 mois après le 7/10, alors que les otages ne sont pas tous rentrés et que l’incertitude plombe encore notre présent puisque nous ne mesurons pas à quel stade de cette guerre de survie se trouve notre pays, chacun peut déjà se retourner sur ces presque 500 jours terribles et réfléchir au sens profond de ce que nous vivons.
Pour ma part, je ressens l’impression d’avoir vu notre monde basculer dans une autre dimension, mais il faut plutôt parler de nos différents mondes qui ont brutalement muté en quelques mois, parfois en quelques jours.
A ce stade un tour d’horizon s’impose.
Aux USA
Trump a gagnė, il redonne un certain niveau de solidité à la relation avec Israël, il promet de châtier les puissantes forces antijuives qui ont pris possession de certaines universités, mais aussi d’autres espaces de la société américaine ; ce travail de reconquête après tant d’années d’emprise obamienne sur les rouages de la société américaine sera long et fastidieux, mais la nouvelle équipe au pouvoir semble efficace et les points noirs de la mainmise gauchiste bien identifié.
Du côtė des Juifs américains, tout cela parait moins évident : les Juifs ont été manifestement surpris et éberlués. Ils ont vu surgir les courants d’extrême gauche haineux là où ils craignaient les suprémacistes blancs, ils sont tétanisés de subir autant de trahisons imprévues venant majoritairement de leur camp politique naturel qu’est la gauche démocrate ; le choc est frontal et violent, car de nombreux Juifs « progressistes » n’ont pas perçu la dimension antisémite profonde des élites du parti démocrate. Le règne d’Obama, suivi de la mascarade Biden, c’est 12 années d’entrisme islamique qui correspondent à l’émergence d’une puissante communauté musulmane américaine extrêmement agressive.
Voilà qui aura gangrené de nombreuses organisations, ainsi que des institutions fédérales selon les méthodes chères aux frères musulmans.
Heureusement la mentalité américaine est avant tout pragmatique, elle veut que le réel soit affronté sans état d’âme, aussi le travail d’analyse et de compréhension de la mutation de cette condition juive ne fait que commencer, il prendra progressivement de l’ampleur, et ira, assurément, au bout des investigations.
Un des chantiers brulants se situe au sein du monde de l’éducation ; la communauté juive est très présente dans le monde universitaire, certains professeurs juifs ont été persécutés pour leur liens avec Israël, mais d’autres, plus nombreux et plus revendicatifs, ont pris parti pour les terroristes du Hamas, et un véritable courant juif antisioniste s’est montré véhément et destructeur, porté par d’évidentes convergences avec l’extrême gauche wokiste et les financements de Soros.
Le retour de Trump va-t-il permettre aux institutions juives pro-israéliennes comme l’AiPAC de reprendre le terrain perdu ? L’avenir nous dira si la communauté juive sioniste bénéficie pleinement du raz de marée trumpiste.
Le réveil des masses chrétiennes qui ont porté le retour triomphal des valeurs traditionnelles est un élément positif, mais il ne faut pas oublier que les Juifs américains sont sur-représentés à gauche et à l’extrême gauche, que la majorité des Juifs américains restent éloignés et méfiants face à Trump.
Il faut savoir aussi que les outrances antisionistes d’un Bernie Sanders ou d’une Jill Stein ont lourdement fracturé un judaïsme américain déjà très dispersé et éloigné d’Israël.
Une partie importante des électeurs démocrates s’est rangée aux côtés des terroristes et le consensus américain sur le soutien à Israël s’est fragilisé, laissant craindre que l’épisode Trump 2 soit suivi du retour du wokisme : la façon dont le monde du spectacle s’est comporté ne laisse rien augurer de bon pour le futur car si l’on a vu quelques acteurs (essentiellement juifs) soutenir Israël, Hollywood s’est étrangement rangé dans le camp palestinien, suivant en cela le mouvement odieux et décadent du show biz européen.
La presse reste, elle aussi, prisonnière des idéologies wokistes et les titres de droite sont très minoritaires.
Enfin, on ne doit pas occulter l’explosion des actes antisémites, les synagogues autrefois ouvertes sont devenues des camps retranchés à l‘image de leurs homologues européennes, à New York les Juifs ‘hassidiques sont harcelés régulièrement, alors qu’apparaissent dans les médias et les réseaux une floraison de propos haineux.
Pour conclure, je dirai que les Juifs américains, autrefois parfaitement à l’aise dans leur environnement et pleinement « américains », se découvrent lourdement et brusquement ostracisés dans leur propre pays ; ils se rapprochent ainsi rapidement de la situation précaire que leurs cousins européens connaissent bien et depuis plusieurs décennie : un malaise profond et durable s’installe.
En France
Le pays où réside la première communauté européenne poursuit et accélère sa descente aux enfers.
La première vague d’antisémitisme consécutive à l’intifada qui avait commencé en 2000 sans émouvoir aucunement les dirigeants socialistes de l’époque s’est transformée le 8 octobre 2023 en un tsunami antijuif qui laisse la macronie socialiste de marbre.
Entre temps la France a accueilli des millions de nouveaux résidents musulmans et son président refuse de marcher contre l’antisémitisme, expliquant que cette démarche risquerait de choquer une partie du peuple, et actant ainsi l’existence d’une partition de plus en plus visible.
Les institutions françaises, lourdement gangrenés par la gauche pro arabe, sont les mêmes qu’en 2000… en pire.
Quelques rares medias osent adopter une certaine neutralité (Le Point) ou prennent ouvertement parti pour Israël (C news ) et subissent, du coup, des attaques violentes du pouvoir et de ses affidés.
Les autorités juives, faibles et peu représentatives, rasent les murs en balbutiant parfois quelques vagues protestations et, parallèlement, la vie des Juifs dans les nombreuses zones islamisées devient pénible et dangereuse.
La parole unique est propalestinienne, portée par une gauche ivre de sa puissance et une socialo-macronie faible et déboussolée qui tremble pour ses privilèges de classe et vient juste d’échapper au désastre grâce à l ‘extrême gauche lors des dernières législatives.
Seuls le RN et Reconquête parlent vrai et dénoncent le Hamas, mais la bourgeoisie juive reste méfiante envers eux, au contraire du petit peuple coincé au milieu des masses musulmanes.
Les Juifs pauvres des banlieues ont massivement voté pour Zemmour alors que la caste dominante juive épaulée par le Grand rabbin s’en est offusquée, illustrant ainsi la cassure entre les pseudo « élites » et le peuple juif de France.
L’effondrement économique est patent, dans tous les domaines la France est en déroute, et on peut craindre une explosion de violence lorsque le pouvoir n’aura plus les moyens d’arroser d’argent les innombrables associations subventionnées et, ainsi, de faire survivre un système social complètement délirant : ce qui, à mon avis, n’est qu’une question de temps.
Le pays est au bord du gouffre, avec la fin des distributions d’argent « magique »: tous les économistes sérieux s’accordent à prévoir une prochaine (et inévitable) politique d’austérité musclée qui s’abattra sur le pays très bientôt. Demain le chaos ? Oui assurément.
Un chaos qui placera les juifs aux premières loges : appauvris comme les autres citoyens, ils seront, de plus, accusés de tous les maux, et, dans cet Etat binational (franco-musulman), déliquescent qu’est devenue la France de 2025, il est évident que la fuite en avant du pouvoir se traduira par une augmentation des saillies antisionistes outrancières auxquelles il nous a habitué : le Juif aura alors retrouvé un statut bien connu, éternel bouc émissaire et victime expiatoire d’un pouvoir neo-vichyssois.
En Israël
Après l’horrible ambiance de haine et de désunion qui a déchiré le pays durant des mois, le pogrom du 7/10 fait l’effet d un terrible électrochoc.
Les mois de guerre ont raffermi les liens entre les citoyens de manière inespérée, les financements de la gauche US se sont taris, limitant du coup la vitalité des manifestations anti-gouvernementales, et la faiblesse des idées de gauche éclate au grand jour.
Comme en France, la population est désormais majoritairement à droite alors que les élites de gauche tiennent toujours fermement les commandes du pouvoir, mais les plaques tectoniques bougent et ces positions sont de plus en plus compromises.
Les tenants de l’arrangement avec les populations arabes locales, dites « palestiniennes », sont désormais en grande difficulté, le 7/10 et ses suites ont ouvert de nombreux yeux et les courageuses idées de Trump rencontrent un écho massif : la coexistence pacifique est devenue une utopie totale et laisse la place à différentes hypothèses qui excluent toute la fameuse « solution à 2 Etats ».
Pire , la jeunesse dite « tiktok » qui est montée au combat avec un courage remarquable se détache des idées plutôt généreuses des générations précédentes, elle est lavée de tout sentiment « du ghetto » et semble prête à imposer aux arabes une relation dure.
Les Juifs craintifs venus du mellah ou du ghetto sont désormais des grands-parents ou des arrières grands-parents, leurs petits-enfants ne se sentent pas redevables envers quiconque, et l’esprit hébreu, fier et combatif, renait sur la terre de Bar Kochba grâce à ces nouvelles générations.
Les premiers israéliens étaient prêts à tout pour un arpent de terre paisible, l’échec de leurs choix politiques, axés sur d’infructueuses tentatives de conciliation envers les arabes, est éclatant, et la jeunesse actuelle a entériné cette nouvelle réalité; une réalité si pénible que certains peinent encore à la regarder en face : nos voisins, tous nos voisins, ont placé la barre tout en haut ; en détruisant tout espoir de vie commune sur ce minuscule bout de terre, ils rendent l’affrontement inévitable.
Gaza subit déjà les conséquences de ce choix désastreux et la Judée et la Samarie n’y échapperont pas.
La mutation d’Israël a été précipitée par la guerre terrible qui fut imposée au pays, l’espoir d’une entente judéo-arabe si chère aux pionniers sionistes s’est envolé, laissant place à un réalisme désabusé et parfois radical.
Pour conclure…
Le peuple juif, en diaspora comme en Israël, vient de vivre une deuxième Shoah, il a redécouvert la solitude extrême face à l’adversité comme durant le nazisme. Nos ennemis les plus irréductibles se sont illustrés par une violence encore plus incroyable, hors de toute norme humaine, le monde occidental si prompt à établir des règles de vie et des lois de coexistence nous a trahis dès le premier jour sans aucun scrupule, nos amis les plus proches ont, au mieux, détourné le regard, quand ils n’ont pas simplement excusé les vampires du Hamas en reprenant leur narratif obscène et leurs chiffres mensongers.
Nous n’avons compté que quelques soutiens parcimonieux et fragiles au moment où le sol semblait se dérober sous nos pieds, nous avons retrouvé ainsi le statut ancestral que la chrétienté réserva toujours à notre peuple : celui du paria dont le droit de vivre est discutable.
Nous mettrons des années à « digérer » ce cataclysme historique et ses innombrables conséquences, nous devons d’ores et déjà reconsidérer nombre de certitudes balayées par ces événements ; ceux-ci ont dévoilé la précarité réelle de la grande communauté américaine qui semblait, hier encore, si sûre d’elle.
En France par exemple, dans une macronie décadente et perverse, de nouvelles solidarités sont apparues et les Juifs de ce pays ont su se grouper et réagir en dehors de vieilles institutions ineptes. Un militantisme juif et sioniste qu’on croyait disparu semble en pleine renaissance, beaucoup de Juifs, hier éloignés d’Israël, ont compris à quel point nos destins sont liés ; et la ’alyah montante, motivée cette fois par une compréhension fondamentale du cheminement juif, donnera vite une vision concrète de cette prise de conscience collective.
Israël, enfin, confirme sa puissance profonde, une force mentale indescriptible a soulevé notre population, jeunes et moins jeunes, tous se sont levés pour apporter une pierre à l’édifice, un instant ébranlé : laïcs ou religieux, tous ont ressenti les liens indéfectibles entre la terre et la Tora, militaires et civils, sabras ou nouveaux immigrants, nous avons serré les dents et nous nous sommes levés.
Notre économie a tenu le choc, Tsahal, cette armée populaire, a su surmonter ses divisions, ce peuple admirable n’a jamais flanché, et enfin la jeunesse a délaissé tiktok pour monter au combat sans l’ombre d’une hésitation avec une abnégation simplement admirable.
Le peuple juif vient de recevoir une nouvelle et cuisante leçon, mais nous pouvons être confiants pour le futur car nous savons que l’accomplissement de notre destinée collective est en bonne voie.
NDLR : La présente analyse est intéressante, sans nul doute. Toutefois, une note toranique n’aurait pas été inutile, en proposant de réfléchir à ce que veut la Providence divine de notre peuple, tous azimuts confondus… On pourrait parler de l’illusion des Juifs américains quant à la paix dont ils semblaient profiter dans leur pays, ou de celle des Juifs en France, ou encore de la « conception » faussée, totalement erronée, dans laquelle les dirigeants du pays ont plongé, tant sur le plan tactique et militaire, que sur le plan spirituel, sachant que seule la Providence divine a les moyens d’assurer notre sécurité. Laissez donc les étudiants en Tora participer en paix à cette protection !
Analyse de la plus haute pertinence.