Par Akiva Bigman
Si nous avions été attaqués par une vraie armée régulière, un grand doute subsiste : aurions-nous pu y faire face ?
L’enquête du site Mida, quant à l’impréparation de Tsahal à la veille de la guerre « Glaives de fer » révèle : les défaillances dans nombre de domaines militaires, ainsi que le déploiement inadapté des forces armées ont rendu l’armée israélienne incapable de remplir ses missions.
Comme de nombreuses unités de Tsahal, les combattants de la 4e brigade blindée ont reçu l’ordre de mobilisation immédiate, le matin du 8 octobre et y ont répondu sans attendre, en se rendant aussitôt dans leur l’unité. La 4e brigade, qui est affiliée à la 146e division du front nord, est considérée comme l’une des meilleures unités blindée de réserve de l’Armée de Défense d’Israël.
À leur arrivée à la base, commence « la saga » de lourdes défaillances
Arrivés sur place, les soldats ont constaté avec ahurissement que leurs chars Merkava Mark 4 et l’équipement qui va avec n’étaient pas dans les hangars, car ils sont régulièrement utilisés par l’école des blindées, se trouvant à 400 km au sud de leur base.
Que fait-on ? Dans des circonstances normales, l’unité dispose des bus pour acheminer les équipages vers leurs chars, et de là, sur des transports des blindés, l’unité aurait gagné son tronçon de déploiement sur le front nord. Mais le 8 octobre, le dispositif de transport de Tsahal s’est effondré. Heureusement, l’un des officiers, qui connaissait quelqu’un dans l’armée de l’air avait réussi à organiser un vol d’Hercules C130, qui a amené les tankistes aux tanks. Mais les difficultés ne se sont pas arrêtées là.
L’un des réservistes témoigne :
« La plupart des chars présentaient des défaillances, dues au manque d’entretien. Les équipements de base étaient usés, voire carrément absents. Il manquait des munitions, des accessoires de visions et les casques Djantex1. Même des masses de 5 kg, sans lequel il est impossible de réparer des chenilles, étaient une rareté. Bref, presque toutes les pièces d’équipement nécessaires au bon fonctionnement des chars étaient manquantes ou en mauvais état. »
Pire, les chars eux-mêmes étaient en mauvais état. Il s’agit de chars relativement anciens, de la première série de production de Merkava Mark 4, qui sont régulièrement utilisés pour l’entraînement à l’école du corps blindé. La situation était très mauvaise. Ce n’est qu’après plusieurs jours, que le personnel de la brigade a réussi à remettre les chars en état. Les casques Djantex ne sont arrivés qu’avec les premières livraisons depuis les États-Unis. Et c’est seulement après une semaine depuis la mobilisation, que les premiers chars ont commencé à monter vers le secteur ouest du front nord, où la brigade était censée se déployer, et ce n’est qu’après deux semaines complètes, que la brigade a réussi à se positionner sur la ligne. Dans l’un des bataillons, durant la guerre, au moins 10 chars sont tombés en panne, sans possibilité de réparation. D’autres chars ont été immobilisés, en plein combat, non parce qu’ils auraient été touchés, mais par manque de pièces de rechange.
« Si nous avions été attaqués par une armée régulière, un grand doute subsiste : aurions-nous pu y faire face ? », lâche un combattant.
Même lorsque la brigade est passée à l’offensive à Gaza, les compagnies ont combattu avec difficultés importantes. Durant les combats, certains chars étaient obligés de descendre vers l’arrière pour des réparations, alors qu’ils n’étaient pas touchés. Une compagnie standard comprend 10 chars, mais pendant la majeure partie de la guerre, beaucoup de compagnies combattaient avec 6 à 7 chars en état. Le char du commandant de compagnie, qui dispose d’équipements de communication et d’autres moyens spéciaux, était remplacé régulièrement, et ces équipements spéciaux devaient être démontés et remontés encore et encore dans un char différent.
Ces dernières années, une décision erronée de l’état-major a créé des différences catastrophiques concernant le niveau opérationnel des différentes unités.
C’était une décision consciente et calculée de l’armée israélienne, à savoir, donner la priorité à certaines des unités considérées comme le « fer de lance » de l’armée terrestre, au détriment de la majorité d’unités blindées. Il s’agissait des unités d’élite de l’armée, qui recevait un équipement, une formation et des budgets adéquats, tandis que le reste des unités, a subi un traitement inférieur. Elles étaient destinées pour des taches « subalternes » comme la protection des frontières, par exemple.
Le plan comprenait une définition de formations rapides qui seraient organisées dans le cadre de la nouvelle 99e division de réserve, qui, avec les divisions régulières (162e, 36e et 98e), était censée être à l’avant-garde de l’armée terrestre. Les autres divisions, la 146e division nord et la 252e division sud, étaient moins prioritaires, suivies par les divisions régionales, qui sont responsables de la protection des agglomérations et des frontières. Les brigades de « fer de lance » bénéficiaient des entraînements fréquents, elles recevaient des équipements de pointe et étaient prioritaires pour l’équipement d’urgence.
L’écart entre les unités d’élite et les autres, créait des différences de traitements, ce qui contribuait à la détérioration générale de la situation.
En ce qui concerne les forces appartenant aux divisions de réservistes de Tsahal, la situation était en deçà de toute critique. Tsahal, de façon erronée, a privilégié les unités d’élite, alors que les autres unités étaient destinées à des missions subalternes et non opérationnelles. En d’autres termes, l’armée israélienne ne s’est même pas préparée à un scénario réaliste de guerre avec le Hezbollah et le Hamas, mais plutôt à une augmentation des opérations ponctuelles. Des tankistes témoignent que des équipes de maintenance n’avaient pas le niveau minimum de compétences pour assurer la maintenance élémentaire des machines. C’était le résultat de faibles exigences professionnelles, lors de l’enroulement de futurs techniciens de maintenance. Il est même arrivé qu’en cas de mise hors de service du char du commandant d’une unité, à cause du manque des équipements de liaisons, l’unité se trouvait coupée de son commandement supérieur, donc inefficace, car livrée à elle-même.
Depuis au moins 20 ans, une politique de coupes budgétaires avait modifié la composition organique des unités blindées. Par exemple, avant la mise en œuvre de ces réductions, un bataillon comprenait 36 chars.
Après les coupes drastiques, le bataillon en comprenait 26, mais ses missions restaient les mêmes que pour 35 chars.
Avant, pour un secteur donné on pouvait aligner 36 chars, alors qu’avec le nombre réduit, pour le même secteur, que 26. Résultat, un tiers d’efficacité en moins. Du fait du changement de la doctrine organisationnelle de l’armée, à savoir « il faut une armée maligne et technologique », toutes les autres composantes des armées de terre ont subi les mêmes modifications, qui se sont avérées catastrophiques sur le terrain. Durant cette guerre, l’armée israélienne a réalisé que la dilution des forces était une terrible erreur et a essayé de compléter les unités, malheureusement l’état numérique des effectifs disponibles dans le pays ne permettait pas toujours de réaliser ces compléments.
À la lumière des omissions et d’échecs révélés au début de la guerre, et dont seule une petite partie est décrite ici, la vérité est évidente pour toute personne sensée :
L’armée israélienne a échoué à constituer ses forces, à les équiper, à les entraîner, afin de remplir ses missions, à cause d’incompétence et de la négligence endémique du commandement supérieur.
Il est donc urgent de corriger ces manquements, en dénonçant la culture du mensonge et de la calomnie, qui empêche le débat public sur les questions fondamentales de sécurité nationale. AB
Traduction et adaptation pour MABATIM.INFO : Édouard Gris
1 Le casque de MICH2000 est le casque de protection personnelle. Il s’agit d’un casque fabriqué avec un matériau spécial (Kevlar composite amélioré), conçu pour résister aux munitions à haute vélocité et des fragments d’obus. Le casque est extrêmement résistant aux chocs et à la pénétration. Ce casque est très apprécié par l’armée pour sa légèreté et ses nombreuses caractéristiques, notamment une coque sans vis avec une surface lisse qui réduit le risque de blessures secondaires en cas d’explosion.