Les raisons de l’opposition du monde arabe au plan Trump

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Un écran de fumée : derrière l’opposition du monde arabe au plan Trump

Le soutien du président Donald Trump à la réinstallation des Palestiniens de Gaza porte atteinte aux intérêts du Hamas, tandis que les pays arabes craignent que l’adoption de cette initiative ne les déstabilise au niveau interne. Pendant ce temps, à Gaza, nombreux sont ceux qui attendent simplement l’occasion de partir.

Par Shachar Kleiman

Les propos du président Trump ont déclenché une avalanche de dénonciations de la part du Hamas. Sa vision, qui inclut une migration massive de Palestiniens et la prise de contrôle de Gaza par les États-Unis, menace directement les intérêts de l’organisation terroriste. Parmi ses objectifs principaux figure le maintien de la population comme bouclier humain et vivier de recrutement pour les terroristes, tout en continuant à contrôler la bande de Gaza en coulisses, l’Autorité palestinienne fonctionnant comme un gouvernement fantoche. Sans surprise, cette annonce spectaculaire a suscité une vive inquiétude.

Le Hamas a rapidement condamné les déclarations de la Maison Blanche et a appelé à une « conférence d’urgence » de la Ligue arabe, de l’Organisation de la coopération islamique et des Nations unies, dans le but de faire pression contre la vision de Trump. Le Hamas comprend que les Palestiniens seuls ont une influence limitée sur Washington, en particulier sous l’administration actuelle.

Le Hamas n’a pas eu à faire beaucoup d’efforts. Les États arabes se préparaient déjà à bloquer le plan. Cette semaine, les discussions ont été nombreuses entre les dirigeants arabes, dont le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président des Émirats arabes unis Mohammed ben Zayed Al Nahyan. Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a été invité en Jordanie, où il a fermement rejeté les déclarations de Trump. Ces derniers jours, le prince saoudien Turki al-Faisal a envoyé à Trump une lettre particulièrement cinglante. L’ancien chef des services de renseignements saoudiens a lancé une série d’accusations contre Israël, l’accusant d’avoir créé le problème de Gaza pendant la guerre d’indépendance.

Comme l’explique un chercheur saoudien dans une interview accordée à Israel Hayom, la question palestinienne est depuis longtemps exploitée par les organisations terroristes pour cibler les États arabes eux-mêmes. C’est l’une des principales raisons de leur forte opposition, et la guerre à Gaza n’a fait que la renforcer. Il n’est donc pas surprenant que le ministère saoudien des Affaires étrangères ait réagi avec fermeté à l’affirmation de Trump selon laquelle Riyad n’exige pas la création d’un État palestinien comme condition à la normalisation avec Israël. Le communiqué affirme que le prince héritier ben Salmane a souligné à plusieurs reprises que « l’Arabie saoudite ne cessera pas d’œuvrer à la création d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale et qu’il n’y aura pas de relations diplomatiques avec Israël sans cela ». Il souligne également que ben Salmane a fait pression sur les pays pour qu’ils reconnaissent un État palestinien, transmettant ces messages à la fois à l’administration Trump et à l’administration Biden précédente.

L’Egypte, pour sa part, est confrontée à une menace constante de la part de mouvements islamistes comme les Frères musulmans. Le Caire ne se fait aucune illusion sur le Hamas, dont il considère qu’il est tout aussi responsable de la mort de soldats égyptiens dans la péninsule du Sinaï que l’EI, une branche locale du groupe affilié à l’Etat islamique. Ce groupe avait reçu le soutien du Hamas de Gaza au cours de la décennie précédente, jusqu’à ce qu’une opération conjointe égypto-israélienne le démantèle. Le Caire fait donc pression pour que l’Autorité palestinienne prenne le contrôle de Gaza, même si le Hamas continue d’opérer en coulisses, sur le modèle du « Hezbollah » au Liban. Dans ce contexte, le Premier ministre de l’AP, Mohammad Mustafa, a rencontré son homologue égyptien Mostafa Madbouly pour « faire avancer la reconstruction de Gaza ». Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdel Aty, a également souligné l’importance de renforcer l’AP et de lui transférer le contrôle de Gaza.

La même logique s’applique en Jordanie. En réponse aux remarques de Trump, les législateurs ont proposé un projet de loi visant à « empêcher l’immigration palestinienne en Jordanie », arguant qu’une telle loi protégerait « l’unité nationale », affirmerait la souveraineté du royaume et rejetterait l’idée que « les Palestiniens migrent vers la Jordanie comme patrie alternative ». Un observateur occasionnel pourrait penser que la Jordanie ne compte pas une population palestinienne importante, alors qu’en fait des millions de Palestiniens résident déjà dans le royaume. C’est précisément la raison pour laquelle la Jordanie s’oppose à toute mesure susceptible de provoquer des troubles et de déstabiliser l’État.

L’hystérie actuelle fait écho à la paranoïa qui a entouré la précédente initiative de Trump, le « Deal du siècle », que son administration avait promue pendant son premier mandat. À l’époque, l’Autorité palestinienne et le Hamas avaient exprimé de profondes inquiétudes quant au projet américain d’autoriser Israël à étendre sa souveraineté sur certaines parties de la Judée-Samarie. En fin de compte, le principal facteur qui a fait dérailler cette initiative a été les accords d’Abraham avec les Émirats arabes unis et Bahreïn. La normalisation formelle entre Israël et les États arabes a mis de côté les déclarations précédentes sur la refonte fondamentale de la région. Il n’est pas inconcevable que la Maison Blanche crée une fois de plus un écran de fumée qui pourrait finalement conduire à un nouvel accord, cette fois avec l’Arabie saoudite.

Mais cette idée ne fait pas l’unanimité dans le monde arabe. De nombreux Palestiniens de Gaza, qui cherchent depuis longtemps un moyen de quitter la ville, ont manifesté un intérêt marqué. Cela ne concerne pas l’ensemble de la population, mais une partie substantielle. Depuis le début de la guerre, on estime que 200 000 Palestiniens ont déjà quitté Gaza. Des centaines de milliers d’autres pourraient saisir cette occasion pour se construire une nouvelle vie, loin des illusions propagées par les organisations terroristes.

Dans le même temps, de nombreux habitants de Gaza restent inébranlables dans leur soutien au Hamas et au concept de « persévérance » (sumud), un engagement à rester sur leur territoire. Les propos de Trump ne peuvent que renforcer leur détermination.

Mais des fissures apparaissent dans ce que l’on appelle le « consensus arabe ». Le commentateur émirati Amjad Taha s’interroge : « Pourquoi quelqu’un voudrait-il que les Palestiniens restent dans une région déchirée par la guerre alors que le monde pourrait leur offrir une bouée de sauvetage ? » Il poursuit : « Imaginez une initiative internationale offrant aux Gazaouis la possibilité de se réinstaller dans des logements temporaires pendant dix ans, loin de la destruction et du danger, pendant que Gaza est reconstruite, nettoyée des terroristes du Hamas et transformée en une ville d’espoir plutôt que de haine, un endroit où les enfants apprennent l’amour et le respect, plutôt que l’antisémitisme et la glorification de la violence et des enlèvements. »

JForum.fr avec ILH – Illustration : Gaza city, dans les bonnes années

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