Les djihadistes et leurs alliés ont pris le contrôle de la majeure partie de la deuxième ville de Syrie, après deux jours d’une offensive rapide contre les forces gouvernementales, a indiqué une ONG samedi.
Djihadistes et factions rebelles du nord de la ont lancé leur contre le régime de , parvenant en quelques jours seulement à conquérir selon une ONG la «majeure partie» de l’emblématique métropole d’Alep.
Les combats ont fait plus de 300 morts, principalement des combattants -dont une centaine des forces gouvernementales et leurs alliés- mais aussi 28 civils, selon l’ONG basée en Grande-Bretagne disposant d’un vaste réseau de sources en Syrie.
L’opération était préparée depuis plusieurs mois assure Dareen Khalifa, experte de l’International Crisis Group. « Elle a été présentée comme une campagne défensive face à une escalade du régime», souligne Mme Khalifa, en allusion à de précédents bombardements intensifs de l’armée syrienne et son allié russe, contre des zones rebelles du nord-ouest. Mais, souligne-t-elle, HTS et ses alliés «observent également le changement régional et géostratégique».
Ces derniers mois, en parallèle de la guerre au Liban, Israël a mené plusieurs frappes en territoire syrien, disant vouloir neutraliser le Hezbollah en ciblant ses transferts d’armes coordonnés avec Téhéran et les forces syriennes.
Quels enjeux diplomatiques ?
Aujourd’hui la perte des quartiers d’Alep est d’autant plus symbolique qu’en 2016, la reconquête par le régime de tous les secteurs rebelles de la métropole constituait une victoire essentielle pour Bachar al-Assad et ses alliés. Cette bataille d’Alep représentait alors un tournant dans la guerre syrienne. Elle avait été marquée par une forte intervention de l’aviation russe, engagée dès 2015 en Syrie pour remettre en selle le régime affaibli.
Vendredi, le Kremlin a appelé les autorités syriennes à «mettre de l’ordre au plus vite» à Alep. Téhéran a dénoncé un complot fomenté par les États-Unis et Israël. Et après plus d’une décennie d’une guerre ayant morcelé la Syrie, les belligérants sont toujours soutenus par différentes puissances régionales et internationales aux intérêts divergents.
Pour Caroline Rose, de l’Institut Newlines basé à Washington, la réaction mesurée des alliés de Damas pourrait bien être «une manière de forcer le régime à négocier d’une position plus faible, en l’absence de tout signe de soutien des Russes et des Iraniens», estime-t-elle sur le réseau social X.
Les chefs de la diplomatie russe et iranienne ont évoqué au téléphone «l’escalade dangereuse» en Syrie, après la prise par les jihadistes et leurs alliés de la majeure partie d’Alep, a annoncé Moscou samedi, juste après un appel similaire avec le ministre turc.
Lors de cette conversation entre Sergueï Lavrov et Abbas Araghchi, «les deux parties ont exprimé leur extrême préoccupation quant à l’escalade dangereuse de la situation en Syrie», a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
Le régime est-il affaibli ?
L’offensive constitue indéniablement un coup dur pour Damas. «Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise», estime Dareen Khalifa. Les rebelles ont coupé la stratégique autoroute M5 reliant Damas à Alep, et un nœud routier assurant la connexion à Lattaquié.
Malgré des combats confirmés par l’armée syrienne, djihadistes et rebelles ont progressé sans être confrontés à «aucune résistance significative» assure Rami Abdel Rahmane, qui dirige l’OSDH. Par le passé, Damas a pu compter sur le soutien de l’aviation russe et sur les forces du Hezbollah libanais – absorbées elles ces deux derniers mois par leur guerre ouverte contre Israël. Mais «la présence russe s’est considérablement réduite», explique par ailleurs l’analyste Aaron Stein.
La fulgurance de l’offensive vient «rappeler à quel point le régime est faible» estime-t-il, ajoutant que les forces pro-gouvernementales avaient probablement baissé leur garde à la faveur du calme précaire qui régnait dans le nord.
JForum – Illustration : Des miliciens chiites irakiens de Saraya al-Khorasani dans la région d’Alep, en janvier 2016.