« Car un feu a jailli de ‘Hechbon » (Bamidbar 21,28).
Une question a été posée au ‘Hozé de Lublin zatsal : comment parvient-il à se maîtriser pour éviter de se mettre en colère ? Il répondit : « Dès qu’une raison de me mettre en colère survient, je me suis habitué à dire à mon penchant : « Je vais m’énerver, mais pas maintenant, seulement dans une heure », et au bout d’un certain temps, la colère s’est déjà apaisée. »
Mon ancêtre, rav Yehouda Tsvi de Razla zatsal disait : « Si je me trouve dans une situation où il faut que je manifeste des signes d’énervement, je reporte cela d’une heure, car je ne serai pas perdant en le reportant. »
Ce conseil s’applique aux autres désirs répréhensibles. Lorsque se présente à l’homme un grand désir de commettre un acte condamnable, il soufflera à son penchant : « Je veux le commettre, mais pas maintenant, plus tard » ; cela l’aidera à ne pas chuter, car dans l’intervalle, le feu du désir sera déjà éteint.
Rabbi Chalom de Schats zatsal commente la Michna (Avoth 4,1) : « Qui est héroïque ? Celui qui conquiert (Kovèch) son penchant», car le terme de Kovèch vient du nom Kavouch (mariné) qui se trouve dans le Choul’han ‘Aroukh : un aliment interdit qui a trempé avec un aliment permis pendant 24 heures se nomme Kavouch, il est considéré comme cuit et est entièrement interdit. C’est la technique à appliquer au Yetser Hara’ : lorsqu’on constate qu’on a des difficultés à le surmonter, on lui dit : « Je me plierai à ta volonté, mais pas maintenant, attends juste 24 heures comme pour la saumure » et de cette façon, on parvient à le maîtriser.
Même s’il s’agit d’une situation où le désir ne sera pas apaisé jusqu’au lendemain, l’occasion est donnée à l’homme de procéder à une introspection en pesant le pour et le contre, et souvent l’homme décide de s’abstenir.
Mon ancêtre sacré, rabbi Eli’ézer Tsvi de Kamarna, que son mérite nous protège, dans son ouvrage Zekan Beito sur le traité Avot, interprète ainsi le texte de nos Sages (Tamid 32a) : « Un homme intelligent est prévoyant », car le penchant a pour technique d’éveiller un désir soudain dans le cœur de l’homme pour le pousser immédiatement à l’action, et vu la force de ce désir qui l’assaille par surprise, il ressemble à un homme assis dans une pièce où la lumière s’est éteinte, où il ne voit rien. Mais un homme avisé répond au mauvais penchant qu’il ne peut rien entreprendre dans la précipitation, et dans l’intervalle, il fait du tri dans ses pensées et pense aux répercussions de ses actes.
Mon vénérable ancêtre rapporte un enseignement de sa mère, la Rabbanith, entendu chez son père, rabbi Avraham Mordekhaï de Pintchov zatsal : « La prévoyance n’est jamais inutile, dans aucun domaine. En revanche, une vision après-coup n’apporte rien.»
Notre maître, rabbi ‘Haïm Vital, dans son ouvrage Chaaré Kedoucha (1, portique 6) écrit : « Un remède global pour échapper à tous les tourments : il faudra toujours avoir à l’esprit d’éviter d’agir ou de parler en toute hâte. Sois modéré dans tes pensées qui te conduisent à l’action, à la parole ou à l’abstention. En effet, le fruit de la précipitation, c’est le regret et il est impossible de revenir en arrière.»
En effet, le Yetser Hara’ fonctionne de telle sorte à pousser l’homme à satisfaire son désir immédiatement. Il craint en effet que s’il attend quelque peu, l’homme aura l’occasion de faire un bilan. Or, en réfléchissant, on discerne facilement la réalité : pour quelques instants de plaisir, il ne vaut pas la peine pour l’homme de souiller son âme et d’être perdant dans ce monde et dans le suivant.
De ce fait, l’homme doit se maîtriser et procéder à une introspection et une méditation sur la réalité. Lorsqu’un homme désire commettre une faute et que brûle en lui le feu du Yetser Hara’, et qu’il se précipite pour la faire, à l’issue de la faute, il éprouve du regret. Comme l’indiquent nos Sages : « Les fauteurs juifs sont remplis de regrets. » Le seul moment de plaisir n’est que l’instant où la faute est commise.
Dans cet esprit, le rabbi de Rouzyne interprète le verset (Tehilim 37,10) : « Encore un peu, et le méchant ne sera plus ; tu observeras sa place, il en aura disparu. » Ici, « encore un peu » : peu de temps après l’acte, « le méchant ne sera plus » : tu ne voudras pas être un mécréant et éprouver du regret, de ce fait, il est bon d’« observer sa place » : tu observes aussitôt le lieu de la faute, et alors : « il en aura disparu » : la faute ne sera plus présente, car tu ne l’auras pas commise.
Dans l’introduction de l’ouvrage du ‘Hatam Sofer, il commente à ce sujet le verset (Michlé 26,5) : « Réplique au sot selon sa propre ineptie » : on peut répondre et prouver au sot en faisant appel à l’ineptie dont il est l’auteur. On le convainc de réfléchir à son enfance où il a suivi son cœur et s’est adonné à toutes sortes de bêtises. À l’adolescence, il a été dégoûté de sa conduite et a eu honte de ses actions. On peut utiliser cet argument à présent : l’homme sait que même pour ses actions présentes, il finira par éprouver des regrets. De ce fait, il saura adopter un comportement approprié afin de ne pas regretter sa conduite à l’avenir.
Ainsi, nous pouvons interpréter notre verset : « Car un feu » : le feu du désir qui a commencé à brûler dans le cœur de l’homme, « a jailli » : est sorti de son cœur « de ‘Hechbon» : en décidant d’attendre et de calculer (‘Hechbon) les pertes engendrées par la faute.
Chabbath Chalom !