Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps
Il ne faut pas être expert militaire pour constater les lacunes flagrantes de Tsahal dans ses méthodes militaires en Cisjordanie. Les deux dernières attaques contre des soldats de garde dans les points de contrôle démontrent que tout est à revoir car les terroristes sont de plus en plus jeunes et de plus en plus téméraires pour affronter les forces de l’ordre. La sergente Noa Lazar, 18 ans, a été tuée à bout portant à Jérusalem-Est le 8 octobre 2022 par un terroriste qui s’est approché d’elle à moins d’un mètre. Elle venait à peine d’être incorporée. Le 11 octobre, une voiture a foncé sur un poste de contrôle tandis que les passagers mitraillaient librement les soldats d’une unité d’élite en faction à un point de contrôle. Un soldat mort, Ido Baroukh.
De ces deux expériences malheureuses, il faut tirer deux conclusions. Il existe suffisamment de soldats aguerris et expérimentés pour ne pas avoir à envoyer des jeunes conscrits débutants dans des zones de Cisjordanie réputées pour leur dangerosité. Par ailleurs la protection des points de contrôle est à revoir totalement. Des plots de béton doivent être posés pour protéger les soldats contre les voitures bélier et pour interdire aux terroristes de s’approcher trop près d’eux. Toute voiture doit être stoppée bien avant le point de contrôle et ses passagers obligés de sortir du véhicule pour empêcher tout mitraillage.
Les terroristes qui ont tué Noa Lazar, qui ont blessé un garde de sécurité israélien de 30 ans, David Morel, et qui viennent de tuer un soldat d’élite lors d’une fusillade en voiture près de Shavei Shomron, dans le nord de la Cisjordanie, ne sont pas encore capturés. Dans les deux premiers cas, le tireur palestinien est arrivé au poste de contrôle à pied, a tiré avec un fusil sur les forces de sécurité en place, puis s’est enfui à Shouafat.
Il est évident que le système de sécurité israélien doit être révisé face à l’audace du gang de jeunes «The Lions’ Den». Les soldats doivent tirer à vue sur tout véhicule qui ne respecte pas un arrêt obligatoire à distance du point de contrôle, sans attendre d’être en position de légitime défense. Les gardes des points de contrôle doivent disposer de guérites vitrées et blindées.
Durant les manifestations, à Jérusalem en particulier, les terroristes ont lancé des pierres et souvent aussi des cocktails Molotov sans être abattus sans sommation. Le porte-parole de la police, Eli Levi, a averti que : «La police israélienne agira avec tolérance zéro envers les émeutes ou la violence de tout type». Les ordres doivent donc être donnés en conséquence. Il s’agit bien sûr de mesures de défense et de protection mais il appartient à l’État-major militaire de planifier l’éradication du terrorisme.
Tsahal est à la fois plus performant sur le plan technique mais plus vulnérable sur le plan humain. Nous sommes en présence d’une guerre en Cisjordanie, même si l’on n’ose pas utiliser cette sémantique. Les dirigeants israéliens savent qu’il leur faut affronter des jeunes terroristes palestiniens qui ne voient plus d’autre issue qu’une nouvelle intifada, planifiée ou pas, pour s’opposer à l’Autorité palestinienne et à Israël. La construction et la rénovation de murs de protection autour du territoire israélien ne sont plus efficaces puisqu’il existe une porosité totale. Le programme d’emmurement est obsolète.
Tsahal a perdu sa stratégie de dissuasion qui fonctionnait avec les États ou les «anciens» palestiniens ce qui galvanise l’ardeur des jeunes qui veulent en découdre. L’armée doit se préparer à toutes formes d’affrontements : raids en profondeur, lutte anti-insurrectionnelle, guerre urbaine ou guerre mécanisée de haute intensité. Elle doit revenir à ses principes fondamentaux qui ont assuré son succès en frappant fort, par surprise, en portant le combat en territoire adverse, pour sanctuariser le territoire israélien et punir ces jeunes téméraires, mais inconscients, pour qu’ils ne recommencent pas. Tsahal doit regagner la maîtrise du combat de rues. Des méthodes spécifiques doivent être enseignées dans le domaine du maintien de l’ordre et du contrôle de foule, là où les lacunes sont criantes. Les forces spéciales, Yamam, Shaldag, Egoz, Duvdevan et Shimson, doivent être engagées dans cette guerre asymétrique. Certaines unités de recrues, peu aguerries dans le combat contre les terroristes, doivent être formées en conséquence pour qu’il n’y ait plus de morts à compter parmi eux.
Dans l’Histoire nous avons de nombreux exemples où l’armée s’est substituée à la police pour éradiquer le terrorisme. La bataille d’Alger de 1957 conduite par le colonel Bigeard sur instructions du général Massu est un exemple de combat victorieux dans la Casbah. Il est temps de ne plus participer aux enterrements de soldats sortis à peine de l’adolescence. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche politique ; il s’agit d’une question de survie car la gangrène est un mal qui se répand trop vite.