Les autorités françaises ont attendu 1995, avec Jacques Chirac, pour reconnaître la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs. François Hollande évoquera un «crime commis par la France».
La date fait figure de symbole de la déportation des Juifs sous l’Occupation. Encore aujourd’hui, la rafle du Vél’ d’Hiv’, longtemps taboue, fait l’objet de polémiques récurrentes. La dernière en date remonte à quelques mois seulement, durant la campagne présidentielle. À deux semaines du premier tour, Marine Le Pen jugeait que la France n’était pas responsable du Vél’ d’Hiv’, provoquant un tollé. La présidente du FN s’inscrivait, selon elle, dans la lignée «des gaullistes historiques», invoquant «François Mitterrand ou, plus récemment, Henri Guaino, Jean-Pierre Chevènement ou Nicolas Dupont-Aignan», face à Jacques Chirac, suivi par Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Dans la lignée de ses trois prédécesseurs, Emmanuel Macron commémore ce dimanche en présence du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, les 75 ans de la rafle. Les 16 et 17 juillet 1942, 13.152 Juifs, dont 4115 enfants, furent arrêtés à Paris et en banlieue par des fonctionnaires français sur ordre de l’Allemagne nazie. Parmi eux, 8160 personnes seront conduites au stade du Vélodrome d’Hiver, dans le XVe arrondissement, d’où elles seront ensuite envoyées vers les camps de la mort. Le nombre d’arrestations fut largement inférieur aux attentes des Allemands à cause de fuites opportunes dans la police. Moins d’une centaine rentrera de déportation. Aucun enfant.
À la Libération, l’heure est à la réconciliation nationale. L’image d’une France résistante, unie contre l’occupation nazie, jette le manteau de l’oubli sur le régime de Vichy. Les présidents successifs se refuseront de reconnaître la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs. En juillet 1992, alors que se profile le 50e anniversaire de la rafle, François Mitterrand réplique sèchement à l’appel du «Comité Vél’ d’Hiv’ 42» pour une reconnaissance de la responsabilité de la France: «Ne demandez pas des comptes à la République, elle a fait ce qu’elle devait. L’État français, ce n’était pas la République.»
Un an plus tard, il fait une première concession avec une «journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite “gouvernement de l’État français” (1940-1944)». Mais la véritable rupture intervient en 1995, quand son successeur Jacques Chirac reconnaît pour la première fois l’implication de l’État français. «La France, patrie des lumières et des droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable», déclare Jacques Chirac en ce 16 juillet 1995 devant le monument commémoratif dédié aux victimes. «Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français.» Ses propos furent diversement appréciés au sein même du mouvement gaulliste.
«Jacques Chirac a dit ce qu’il fallait dire et je pense qu’il n’y a rien à retrancher et rien à rajouter au très bon discours qu’il avait fait à l’époque», estimera en 2007 son successeur Nicolas Sarkozy à l’occasion d’une visite au mémorial de la Shoah, à Paris, pour marquer le 65e anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv’. En 2012, François Hollande ira un peu plus loin que Jacques Chirac, dont il saluera le «courage» et la «lucidité», en affirmant «Nous devons aux martyrs juifs du Vélodrome d’Hiver la vérité sur ce qui s’est passé il y a 70 ans (…) la vérité, c’est que ce crime fut commis en France, par la France».
Même 70 ans après les faits, ses propos ne manquèrent pas de diviser la classe politique et de faire réagir les souverainistes de tous bords. Jean-Pierre Chevènement critiquera la position du socialiste qui à ses yeux revient à «faire comme si Pétain était la France et comme si le véritable coup d’État opéré le 10 juillet 1940 par un gouvernement de capitulation n’avait pas existé». À l’UMP, Henri Guaino se dit scandalisé par les propos de Hollande. L’intéressé n’a depuis pas changé d’avis. «Ce débat a déjà eu lieu dix fois, je maintiens ce que j’ai dit par le passé», expliquait-il après la phrase polémique de Marine Le Pen durant la campagne.