Nous qui plaidons pour la victoire d’Israël avons vu avec consternation le gouvernement du Qatar adresser à Israël la menace de stopper ses dons financiers à Gaza en insinuant que le Hamas reprendrait ses attaques aux ballons enflammés. Mais où sont donc passées ces forces armées extraordinaires qui ont vaincu trois États en six jours, organisé le raid d’Entebbe et fait main basse sur les archives nucléaires de l’Iran ?
Les sourires étaient de mise en décembre 2019, lors de la rencontre à Doha entre le chef du Hamas Ismaël Haniyeh (à gauche) et l’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al Thani. Et les instances de sécurité israéliennes trouvent ça bien. |
Il se trouve que les instances de sécurité israéliennes ont un Doppelgänger, un homologue qui ne dit pas son nom, se tient sur la défensive et se montre réticent. Ce double a fait son apparition après les accords d’Oslo de 1993 pour traiter avec les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. En 2014, c’est encore lui qui a eu besoin de 50 jours pour mettre fin à une opération militaire mineure. Actuellement, c’est toujours lui qui ne parvient pas à arrêter des ballons en feu lancés depuis Gaza. Alors que l’Armée de Défense d’Israël dans sa version classique recherche la victoire, la version palestinienne de cette même armée veut simplement préserver le calme.
Cette timidité peut s’expliquer au moyen des six facteurs suivants :
Les gouvernements israéliens sont constitués de coalitions de plusieurs partis qui tendent, selon la description de Jonathan Spyer, « à éviter de se concentrer sur les questions stratégiques à long terme, pour traiter de préférence les menaces immédiates ». Pourquoi se charger d’un problème comme Gaza alors qu’on peut le laisser de côté ?
De même, les instances de sécurité israéliennes sont fières de traiter les problèmes immédiats et non l’avenir incertain. Du style de l’ordre apocryphe qu’aurait donné un officier israélien à ses troupes : « Sécurisez la zone jusqu’à la fin de votre service ». Un jour, l’épouse du Premier ministre Yitzhak Rabin, Leah, a expliqué la mentalité de son mari : « Il était très pragmatique et détestait envisager une chose qui ne se produirait que des années plus tard. Il ne pensait qu’à ce qui allait se passer dans le présent et dans un avenir très proche. » De même, explique Einat Wilf, l’armée israélienne encourage le transfert de fonds qataris vers Gaza, pensant que cet argent achètera le calme : « Elle fera tout son possible pour garantir que l’argent continue à affluer même si cela signifie que le calme est acheté au prix d’une guerre qui durera des décennies. »
À l’instar de la police qui considère les criminels comme d’incorrigibles fauteurs de troubles, les responsables de la sécurité israélienne avertis considèrent les Palestiniens comme des adversaires impénitents et rejettent l’idée que ces adversaires puissent tirer des leçons. Des lions peuvent-ils changer des hyènes ? Les instances de sécurité s’opposent à une approche musclée car elles veulent éviter les problèmes. Cette situation pourrait nous faire croire qu’il s’agit là de gauchistes, mais il n’en est rien. C’est une longue et amère expérience, et non un vague idéalisme, qui explique leur réticence.
Hyènes et lions, des ennemis éternels. |
Les instances de sécurité israéliennes ne veulent plus à nouveau gouverner directement la Cisjordanie ou Gaza. Craignant l’effondrement de l’Autorité palestinienne (AP) ou du Hamas, elles les traitent avec déférence et considèrent l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, en dépit de tous ses manquements, comme un partenaire utile pour la sécurité. Certes, cette situation incite au meurtre sur le plan interne et délégitime l’État d’Israël sur le plan international mais mieux vaut endurer ces agressions que punir Abbas, provoquer sa chute et revivre le cauchemar d’arpenter les rues de Naplouse. C’est donc littéralement au moyen du meurtre qu’Abbas parvient à se tirer d’affaire.
La faiblesse militaire palestinienne ainsi qu’une surveillance internationale intense ont amené les instances de sécurité israéliennes à voir les Palestiniens davantage comme des criminels que comme des soldats. Le fait d’être confronté à eux a transformé Tsahal en force de police dont la mentalité défensive considère la stabilité comme un objectif en soi. Alors que les généraux n’entrent pas dans la bataille dans le but de sauver la vie de leurs soldats, les chefs de police cherchent à ce que la lutte contre les criminels n’enfreigne aucune loi et ne fasse de mal à personne. Alors que les généraux visent la victoire, les chefs de police recherchent l’apaisement.
Enfin, toute action efficace est entravée par un sens moral exagéré. En 2018, le chef d’état-major de Tsahal, Gadi Eizenkot, a justifié la passivité vis-à-vis des pyromanes aux cerfs-volants au motif ahurissant que « larguer une bombe sur des personnes agitant des ballons et des cerfs-volants » va à l’encontre de son « point de vue opérationnel et moral ».
Le trio d’anciens chefs d’état-major qui a formé le Parti Bleu et Blanc. |
Ce sont ces instances de sécurité timorées et non une gauche affaiblie, qui font surtout obstacle à la résolution du problème palestinien. Maintes et maintes fois, c’est leur vision d’apaisement qui a prévalu. Heureusement, les instances de sécurité ont des dissidents qui s’expriment, particulièrement après avoir quitté le service actif. Gershon Hacohen appelle les dirigeants politiques à ne pas laisser le commandement militaire prendre les décisions à leur place. Yossi Kuperwasser appelle à une victoire d’Israël. Uzi Dayan veut que l’armée donne aux dirigeants du pays les moyens de remporter la victoire. Même le trio d’anciens chefs d’état-major qui a formé le Parti Bleu et Blanc a appelé à une action ferme.
La résolution du problème palestinien nécessite la fin de la scission au sein de la Défense d’Israël et le retour à une force unitaire dédiée à la victoire et résolue à convaincre les Palestiniens que le conflit est terminé, qu’ils ont perdu et qu’ils doivent abandonner leurs objectifs de guerre.