Le CERCIL Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv a vu sa salle de conférence se remplir d’une foule immense hier soir, mardi 11 juin, pour venir assister à une conférence exceptionnelle sur les 50 ans de la fameuse rumeur d’Orléans. Racontée par Eliane Klein, témoin incontournable de cette rumeur et actuelle déléguée du Conseil représentatif des institutions juives de France, Pierre Allorant, doyen de la faculté de droit d’Orléans et historien, Pascal Froissart, enseignant chercheur en communication et Anthony Gautier, modérateur, la rumeur a ravivé les souvenirs de l’assistance dont la grande majorité a été marquée par l’ampleur de la fake news.
“C’était l’hystérie au lycée” raconte une ancienne élève
Âgée de seulement 22 ans à l’époque, Éliane Klein enseignait l’anglais dans un collège et a eu écho de l’affaire pour la première fois grâce à un parent d’élève. Elle-même juive, il apparaît comme un devoir pour elle d’agir et d’impliquer la presse pour démentir les faits et freiner la vague antisémite qui déferle sur la ville depuis déjà un mois. Elle contacte alors les journaux de la France entière (sauf ceux d’extrême droite) alors qu’en parallèle, la fédération départementale de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme portait plainte contre X pour « diffamation raciste ».La rumeur se propage a une vitesse folle, surtout dans le milieu scolaire comme le raconte une ancienne étudiante scolarisée à Jean Zay à l’époque du scandale qui témoigne « C’était l’hystérie au lycée, toutes les filles ne parlaient que de ça ». Alors que l’histoire enfle, la presse reste silencieuse et ne s’implique pas dans l’affaire jusqu’à l’alerte lancée par Éliane Klein au début du mois de juin 69.
Dès l’alerte d’Éliane Klein et l’apparition de faits concrets dans l’affaire, la couverture médiatique de la rumeur s’est densifiée et de nombreux mouvements et de manifestations ont été mis en place afin de couper court à la rumeur devenue, au fil du temps, totalement invraisemblable et grotesque. Malgré le caractère raciste et matériellement infondé des accusations de l’époque, la propagation de la rumeur a été incroyable et reste encore aujourd’hui, un événement marquant dans la mémoire des Orléanais qui l’ont vécu.
La rumeur d’Orléans: premier fait divers étudié d’un point de vue sociologique
L’affaire avait même, à l’époque, attiré l’attention d’un certain Edgar Morin, sociologue de son état qui s’était intéressé à l’ampleur de la rumeur. Ces recherches avaient abouties à la publication d’un ouvrage intitulé« la rumeur d’Orléans » contant l’histoire de ce fait divers sous un prisme sociologique.
Néanmoins, Pierre Allorant, doyen de la faculté de droit d’Orléans et historien, n’a pas manqué de rappeler les nombreuses faiblesses de cet ouvrage qui, d’après lui, « a été écrit sans connaissance réelle de la ville d’Orléans par l’auteur qui a choisi de ne pas interroger les étudiants et les professeurs d’universités sur le sujet, ceux-ci étant pourtant particulièrement concernés par l’affaire. ». Ce dernier pose également la question du rôle joué par les médias dans la propagation et l’ampleur de ce fait divers. En effet, il apparaît légitime de se demander si la rumeur d’Orléans aurait pu s’essouffler et tomber rapidement dans l’oubli si la presse ne l’avait pas mis en lumière de la sorte.
De plus, Pierre Allorant rappelle que le caractère « tendance » du sujet de la « traite des blanches »a également participé à l’importance donnée à cette affaire où les juifs ont été considérés comme « coupables de tout les maux » et accusés de s’attaquer à la pureté des jeunes orléanaises. 50 ans après, l’émotion et les souvenirs de cette période sont toujours vifs dans l’esprit des orléanais venus en nombre pour se souvenir et partager leur expérience.
La rencontre s’est terminé par un débat le caractère finalement très contemporain de cette rumeur dans un monde connecté où les fake news et les thèses du complot visant les « boucs-émissaires »de la société se propagent à une vitesse folle.
Zoé Falliero