La reine Rania de Jordanie avait écrit dès 2014 dans le quotidien brésilien “O Estado de S. Paulo” un article intitulé “Gaza : une dystopie moderne”. Sa Majesté étant revenue après le 7 octobre sur le sort réservé aux Gazaouis, le Dr Sergio Simon, l’un des meilleurs oncologues du Brésil, basé à São Paulo, lui a répondu par cette lettre :

Votre Majesté la Reine Rania al Abdullah de Jordanie

Amman, Jordanie

Je vis au Brésil, un pays loin de votre belle Jordanie, que je n’ai jamais visité. Cependant, en tant que médecin juif profondément intéressé par les événements tragiques du Moyen-Orient, j’ai été heureux de lire aujourd’hui votre chronique dans O Estado de Sao Paulo, l’un des principaux journaux du Brésil.

Dans votre article touchant, vous nous parlez de la dystopie, un lieu imaginaire où les gens vivent dans la plus grande honte et souffrance. Et vous mentionnez que Gaza n’est pas seulement une dystopie mais une réalité de nos jours – peut-être l’endroit le plus tragique sur Terre à l’heure actuelle. Je ne pourrais être plus d’accord avec Votre Majesté. Toute personne raisonnable dans le monde a été profondément touchée par les scènes de souffrance humaine vues à la télévision ces derniers jours. Et – comme Votre Majesté le souligne à juste titre – 1,8 million de personnes vivent assiégées, encerclées par des ennemis, voyant leurs maisons et leurs biens personnels détruits dans cette bataille insensée. Selon Votre Majesté, chaque habitant de Gaza veut juste ce que nous voulons tous : une vie normale, ni plus ni moins ! Vous demandez aux gens d’agir et de réagir, d’aider à sauver la population de Gaza, de faire un don à l’UNRWA.

Votre Majesté ne se souvient pas des faits suivants, car ils se sont produits quelques jours après votre naissance en août 1970 au Koweït. À cette époque, le roi Hussein de Jordanie (qu’Allah bénisse sa mémoire), qui allait devenir votre beau-père, déclencha l’une des batailles les plus sanglantes contre le peuple palestinien au cours de ce qui allait devenir le « Septembre noir ». Il était fermement décidé à ne pas permettre à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), sous la direction de Yasser Arafat, de prendre le contrôle du gouvernement jordanien ou même du gouvernement de la Rive gauche. Et il avait probablement raison, car cela aurait menacé l’autonomie du Royaume hachémite. Votre beau-père, avec l’aide loyale des forces armées jordaniennes, a tué des milliers de réfugiés palestiniens sous la menace d’une arme. Ce ne fut pas une longue guerre : elle prit fin en juillet 1971, quelques jours seulement avant votre premier anniversaire au Koweït. Mais selon Yasser Arafat, près de 20 000 Palestiniens ont été tués lors du mois de Septembre noir. D’autres organisations palestiniennes, comme le Front populaire de libération de la Palestine de George Habash et le Front démocratique de libération de la Palestine de Nayef Hawatmeh, ont ouvertement remis en question la légitimité de la monarchie de votre beau-père et ont également été impliquées dans la lutte.

Et vous demanderez – à juste titre – « Comment se fait-il qu’il y ait eu des réfugiés palestiniens en Jordanie en 1970, alors qu’ils avaient quitté Israël en 1948 ? Vingt-deux ans plus tard, ils étaient toujours des « réfugiés ? ». Oui, Votre Majesté la Reine Rania, le Roi Hussein bin Talal, votre beau-père de mémoire bénie, a toujours gardé les Palestiniens déplacés dans des camps de concentration, comme le faisaient tous les autres pays arabes de l’époque. Au lieu de les intégrer dans la société jordanienne, ils ont été détenus dans des conditions inhumaines dans des camps de concentration pour faire pression sur Israël et les Nations Unies. Personne ne voulait que le « problème » palestinien soit résolu. Oh, bien sûr, il y avait aussi les réfugiés juifs des pays arabes ! Des centaines de milliers de Juifs ont dû fuir l’Egypte, le Liban, la Syrie, l’Irak, l’Algérie, la Tunisie, le Yémen et le Maroc sans rien, laissant derrière eux tous leurs biens et propriétés… Mais Israël ne les a pas mis dans des camps. Ils ont été facilement absorbés par la société israélienne et aujourd’hui, une ou deux générations plus tard, ils sont avocats, médecins, enseignants et professeurs d’université en Israël. Il n’y a plus de problème de « réfugiés juifs ». Cela aurait pu arriver aux pauvres Palestiniens si le roi Hussein en Jordanie, Gamal Abdel Nasser en Égypte et Shukri al-Kwatli et Hafez al-Assad en Syrie avaient fait de même.

Ainsi, Votre Majesté, j’ai pensé que vous devriez savoir que votre Royaume de Jordanie a joué un rôle majeur dans la création de la situation à Gaza, où les terroristes du Hamas lancent des milliers de roquettes sur les civils israéliens et utilisent ensuite les enfants et les femmes palestiniennes comme boucliers. – un crime de guerre monstrueux. Même les écoles de l’UNWRA, pour lesquelles Votre Majesté collecte des fonds, ont été utilisées comme cachettes pour des bombes et des roquettes (Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, l’a dit. Et je le crois).

Mais Votre Majesté, en tant que Reine de Jordanie, a la chance de contribuer de manière significative à résoudre cette situation des plus graves. S’il vous plaît, dites à votre mari, le roi Abdallah II de Jordanie (qu’Allah le bénisse) de convaincre les dirigeants arabes de résoudre le problème palestinien. dès que possible. Ils devraient absorber les Palestiniens dans leurs sociétés ; ils devraient reconnaître Israël en tant qu’État et faire la paix avec lui (sites religieux ? Israël donnerait à chacun un accès libre et immédiat, j’en suis sûr ; compensation pour la perte de propriété? Cela peut être facilement résolu, j’en suis également sûr) ; ils devraient cesser d’éduquer leurs enfants à haïr les Juifs ; ils devraient accepter l’égalité pour les femmes et pour toutes les minorités et religions. Facile! Aussi simple que cela!

Alors ce soir, Reine Rania, lorsque vous demanderez au miroir magique « Miroir, miroir sur le mur, qui dans ce pays est la plus belle de toutes ? » le miroir répondra : « Toi, ma Reine, tu es la plus belle de toutes. Juste non seulement pour la beauté qu’Allah a répandue sur Toi, mais aussi pour être juste envers toutes les parties ».

Qu’Allah accorde à Votre Majesté beaucoup de santé et de bonheur !

© Dr Sergio Simon, São Paulo, Brésil