Rav Yossef Rosen (connu comme le Rogatchover Gaon) (1858, Rahatchow, en Biélorussie-5 mars 1936, Vienne, Autriche) est un rav connu comme génie pour ses connaissances talmudiques, un des plus grands talmudistes du début du XXe siècle.
Le rav Yossef Rosen est né en 1858, à Rogatchov (Rahatchow), aujourd’hui en Biélorussie. Il vient d’une famille hassidique (Kapust-Habad). À l’âge de 13 ans, il va étudier à Sloutsk en Biélorussie, après de rav Haim Soloveitchik, sous la direction de son père, le Beth Halevi, rav Yossef Dov Ber Soloveichik (1865-1874). Il étudie ensuite sous la direction du rav Yehoshua Leib Diskin (Maharal Diskin) à Sklow.
En 1889, il prend la tête de la communauté hassidique de Dvinsk (Daugavpils) alors que le rav Meir Sim’ha de Dvinsk (1843–1926) y dirigeait la communauté non-hassidique. Ils ont servi conjointement cette communauté jusqu’à la fin des années 1920, en entretenant d’excellentes relations.
Œuvres
Tzafnath Paane’ach’, son magnum opus, 2 volumes, commentaires sur le Mishné Tora du Rambam
Tzafnath Paane’a’h al HaTora, 5 volumes, commentaires sur la Tora
Tzafnath Paane’a’h al HaShas, 4 volumes, commentaires sur le Talmud
Tzafnath Paane’a’h Responsa, Responsa de Halakha
Cheéloth outevouchoth Tzafnath Paanéa’h, Responsa
Hibour al Moré Nevou’him, commentaire sur le Guide des égarés
Mihtvei Torah, correspondance entre le Rogatchover et le rav Mordechai Kalina
Dans la publication mensuelle intitulée «Tourei Yechurun» de 5735, se trouve un article écrit par le journaliste Noa’h Zevuloni qui avait passé une année avec le Rogatchover.
Par Noa’h Zevuloni
J’étais en présence du Gaon de Rogatchover, auteur de Tzafnath Paanea’h sur le Yad du Rambam et des traités du Shass pendant une année entière. C’était 1932-1933 à Dvinsk, en Lettonie. J’ai étudié dans la Yechiva qui avait été fondée dans cette ville.
Je suis entré illégalement en Lettonie en provenance de Pologne et, grâce au représentant d’Agoudat Israël et au parlement letton, Mordekhaï Dubin (qui a péri en prison en Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale), l’autorisation de rester en Lettonie m’a été donnée.
Le rav de Dvinsk, le rav Yossef Rosen, surnommé le Rogatchover dans le monde de la Tora, n’a jamais dirigé une Yechiva. Il se tenait debout jour et nuit, une Guemara ouverte devant lui, sur un petit pupitre, et apprenait la Tora ou répondait aux questions halahiques qui lui venaient du monde entier.
Le Rogatchover répondait brièvement sur une carte postale. Il n’a pas consulté le questionneur et la plupart des milliers de demandes étaient effectuées par des personnes qu’il ne connaissait pas.
En plus de sa grandeur dans la Tora, en Halakha, en Agada, dans les Poskim, etc., il y avait une autre raison pour laquelle les gens s’adressaient à lui. Ils avaient entendu dire qu’il répondait à tout le monde, toutes sortes de gens lui écrivaient. Ils lui posaient souvent des questions stupides et lui, dans sa sagesse, leur répondait. Certaines personnes ont reçu des réponses pleines de sources indiquant où chercher. Sa femme, qui connaissait plusieurs langues, écrivait les réponses sur les cartes postales.
Les moyens matériels du Rogatchover étaient très réduits. La communauté juive de Dvinsk était pauvre et ne recevait pas l’aide du gouvernement. Pour cette raison, il réfléchissait à deux fois à chaque lettre à laquelle il répondait. Ceux qui ont inclu un timbre ont résolu le problème financier, mais la plupart des correspondants ne savaient pas sa situation précaire. Il calculait et apposait un timbre égal à la moitié des besoins de la carte postale, et le destinataire était légalement tenu de payer l’autre moitié.
Son Tzafnath Paanea’h, malgré sa volonté de libérer ce qui est caché, reste assez obscur jusqu’à ce jour, même pour les grands érudits. Il a été écrit avec une grande brièveté et avec des références subtiles. C’est plein d’ayeinim – regardez ici, regardez ici, avec des sources citées sans explication.
Ces dernières années, R’ Menachem Kasher et R’ Moshe Grossberg de Jérusalem ont travaillé pour expliquer ses enseignements. Cependant, celui qui était en sa présence sait faire la différence entre la Tora écrite du Rogatchover et sa Tora orale. Le Rogatchover avait une capacité exceptionnelle à expliquer les choses. Il a tout expliqué de manière logique et simple. La plupart de ses ‘Hidouchim qui ont été publiés, et même ceux qui n’ont pas encore été publiés, sont tirés de notes qu’il a rédigé au fur et à mesure de son apprentissage en marge de son ancienne Gemara.
Si on visitait son humble demeure, on s’apercevait qu’il ne possédait pas une grande bibliothèque comme les autres Rabbanim. Sur une étagère se trouvaient un Shass, un Rambam (qu’il a appelait «mon Rabbi»), un Tourim et quelques Richonim. En face de l’étagère se trouvait un grand tas de livres qu’il n’utilisait pas et ne consultait même pas. C’étaient des A’haronim et d’autres Sefarim qui lui ont été envoyés pour être critiqués.
Ses discours intelligents ont souvent été répétés, en particulier dans le monde des Yechivoth. Ses remarques pointues sur de nombreux Guedolé HaTora de sa génération et même des générations précédentes ne suscitaient généralement pas d’animosité.
Le Rogatchover, qui a vécu une vie de privation matérielle, était très soucieux de ne pas faire d’appels interurbains depuis son domicile. À Dvinsk, l’utilisation du téléphone était illimitée sur une base mensuelle, à l’exception des appels interurbains, chacun exigeant un paiement.
J’ai été témoin de ce qui suit. M. Vafsi (le père du Dr Vafsi, l’un des médecins accusés dans le complot de Staline), est entré dans la maison et a demandé à utiliser le téléphone. La permission a été accordée, mais le Rogatchover m’a fait signe de venir et il m’a dit: « Koidonover (c’est ainsi qu’il m’a appelé après la ville d’où je viens), veillez à ce que Vafsi n’appelle pas Riga. »
Les conversations de R ‘Yossef Rosen étaient celles d’un vrai Talmid ‘Ha’ham. Son discours ordinaire était un mélange de Divré Halakha et de Agada, et cela s’est passé toute sa vie. Il m’a parlé d’un célèbre Din Tora qui traînait depuis longtemps au sujet d’une somme d’argent astronomique, qui s’est terminée par un compromis entre les deux parties. Le Beth Din était composé de trois Guedolim comprenant le Rogatchover, le rav de Shavli rav Meir Atlas et le célèbre rav Haim Brisker (Soloveitchik) ou le rav Haim Ozer Grodzenski de Vilna (on ne sait pas lequel car le Rogatchover avait seulement dit s’être assis avec « ‘Haim » et Meir à un Din Tora. En effet, il appelait les Guedolim, même ceux des générations précédentes, par leurs prénoms).
Après que les deux parties se soient entendues pour parvenir à un compromis, elles ont donné de l’argent pour payer les membres du Beth Din, mais rav Méri et rav ‘Haim ont refusé de l’accepter. Le Rogatchover, de son côté, avait pris l’argent et il m’a montré comment il avait balayé l’argent de la table et l’avait mis dans sa poche en disant: « Il y a une Guemara explicite qui dit qu’il faut prendre. Il est écrit: «Un sourd-muet, un déficient mental et un mineur, etc. » Concernant les déficients mentaux, il est dit dans ‘Hagiga 4 : « Qui est « Shotei » fou? Celui qui détruit ce qu’on lui donne. » On pose la question. On s’attendrait à ce qu’il dise qu’il détruit ce qu’il possède, pas ce qu’on lui donne. À partir de là, nous voyons que si on lui donne quelque chose et qu’il refuse de la prendre, on l’appelle un ‘Shoté », un fou, et je ne veux pas être inclus dans cette catégorie! ».
Le Rogatchover ne craignait personne, pas même ses détracteurs. De mes propres yeux, j’ai vu le chef de la communauté lui apporter une lettre sur une question communautaire importante qui nécessitait la signature de Rogatchover. Le Rogatchover a pris la plume et un timbre et l’a apposé au centre de la lettre en disant: « Jusqu’ici, je suis d’accord avec ce qui est écrit dans la lettre et j’ai signé. À partir de là, je ne suis pas d’accord et je ne signerai pas! »
Il n’y a pas encore de biographie sur le Rogatchover qui témoigne de sa grandeur en Tora et dans tous les domaines de la sagesse et de la pensée juive. Rien ne lui était caché. Sa bouche prononçait des perles et il maîtrisait parfaitement le Talmud Bavli, le Yerouchalmi, le Rambam, etc., mot par mot et lettre par lettre.
Il arriva une fois qu’en parlant, il avait momentanément oublié ce que Rachi disait à un certain endroit. Il frappa immédiatement du pied et dit: «Celui qui oublie quelque chose de son savoir est considéré comme passible de la vie (Avoth 3:10).» Mais il s’en est immédiatement souvenu et a ensuite cité le Rachi en question.
Même dans d’autres domaines, son monde était celui de la Tora. À Dvinsk, il était de coutume de collecter de l’argent deux fois par an pour les pauvres de la ville – avant Pessa’h et au début de l’hiver pour le bois de chauffage. La communauté juive a demandé au Rogatchover d’annoncer au grand public de faire un don lors de l’appel bi-annuel afin que les pauvres puissent supporter le froid glacial. Le Rogatchover a accepté et publié une annonce demandant aux gens de contribuer. L’annonce était concise et remplie de sources de la Tora sur le danger du froid.
Le Rogatchover était très compétent dans le domaine médical grâce à son expertise du Talmud où toutes sortes de maladies et de remèdes sont mentionnés. Par exemple, lorsqu’il a eu besoin d’une opération urgente, après que son médecin personnel, le célèbre chirurgien Mintz de Riga, l’ait examiné et diagnostiqué la maladie, le Rogatchover a essayé de le contredire en citant un passage du Yerouchalmi au sujet de l’évolution de la maladie. Il a dit que selon le Yerouchalmi, la chirurgie devait être faite ailleurs et non à l’endroit indiquée par le professeur. Le professeur Mintz, qui s’est rappelé l’apprentissage de sa jeunesse, s’est levé et a déclaré: « Évidemment, je ne discuterai pas avec le Yerouchalmi. Je suggère donc que le Yerouchalmi opère le rav, et non moi ».
Les Rabbanim et les Talmidim des Yechivoth à l’étranger qui se rendaient à Dvinsk visitaient le Rogatchover. Certains avaient peur d’entrer et demandaient d’être escortés et présentés.
Un jour le Rogatchover m’a vu, il retira son manteau chaud et le mis sur mes épaules et dit: «Koidonover, l’hiver est en pleine force et tu sors sans manteau? Prends mon manteau. Je n’ai pas d’argent pour t’acheter un nouveau manteau, mais s’il n’y a pas d’autre choix, ça ira. »
Je ne pouvais pas refuser, car on ne pouvait pas refuser à un si grand homme. Jusqu’à aujourd’hui, je l’ai toujours comme souvenir.
Rav Shila Refael, le rav de Kiryat Moshe à Jérusalem et petit-fils de rav Yehouda Leib Fishman (Maimon), m’a raconté une histoire intéressante qui montre la grandeur et la rapidité de Rogatchover. C’était quand les Turcs régnaient sur la Palestine, et que chaque Juif qui n’était pas né à Eretz Israël devait être expulsé. Beaucoup d’entre eux qui étaient nés à l’étranger avaient juré qu’ils étaient nés à Eretz Israel, ce qui a satisfait les Turcs.
Les rabbanim d’Eretz-Israel, rav Fishman et rav Abba Citron, le rav de Petah Tikva, qui était le gendre du Rogatchover, ont demandé au Rogatchover s’il était permis par la Halakha de faire ce faux serment. La réponse qu’il leur a écrite disait simplement: C’est sûrement permis, voir Ketouvoth daf 75.
Sur cette page, il est dit sur le verset (Tehillim 87): «Et de Sion, on dira que cet homme et cet homme sont nés en elle, car le Très Haut lui-même l’établira ». Le rav Maisha, le petit fils de Rabbi Yehochua ben Levi dit: «Celui qui y est né et celui qui prévoit d’y être. » Rachi dit: « Celui qui prévoit s’appelle un de ses enfants. »
Ce ne sont là que quelques aperçus de la vie d’un grand homme d’Israël, un homme au visage lumineux, au visage brillant comme celui d’un ange céleste.
Source hassidout.org