Pauvre France !

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Et cela remonte à la réélection de l’actuel président de la République ; ce fut une réélection par défaut, sans la moindre campagne électorale, et la crise de la pandémie n’explique pas tout. Le pouvoir a cru que le peuple était anesthésié pour longtemps. Ce fut un postulat erroné et qui explique la situation actuelle : une paralysie des institutions politiques suivie d’une crise qui n’épargne même plus la présidence du pays. C’est dire !

Quand on y pense, les affaires humaines semblent parfois téléguidées par des puissances supérieures qui nous arrachent la plume des mains et nous dicte ce qu’on doit dire ou penser… Cette remarque peut sembler irrationnelle et pourtant il nous manque toujours, in fine, un petit élément qui explique une grande catastrophe. Un psaume décrit cela avec bonheur : ils ont tenu conseil mais cela fut renversé, ils élaborèrent un plan mais celui-ci ne fut jamais réalisé.

On n’avait encore jamais vu un pouvoir faire la sourde oreille avec tant de constance, et ignorer les demandes de la nation. Le président actuel est responsable de ce qui est arrivé puisqu’il a pris une initiative plus que malheureuse. Mais il n’est pas le seul. La constitution de 1958 était censée mettre fin aux secousses et aux turbulences d’un peuple latin, indiscipliné et versatile. C’était peut-être vrai à un certains moment de notre histoire récente, mais cela ne l’est plus depuis bien longtemps. La France n’est plus un grande puissance mais un grande puissance de taille moyenne (Henry Kissinger). La petite phrase est assassine mais tout à fait appropriée. Depuis le général de Gaule qui a réussi à faire croire aux Français qu’ils avaient gagné la guerre jusqu’à aujourd’hui, la France n’a pas cessé de vivre au-dessus de ses moyens, remettant aux calendes grecques l’adoption de réformes pourtant nécessaires. Tous les observateurs reconnaissent que cette méthode ruineuse d’acheter la paix sociale ne peut plus fonctionner dans un avenir immédiat. Et les programmes économiques de certains groupes politiques laissent présager de véritables catastrophes financières, en raison de leur irréalisme …

Pour le moment, l’édifice tient mais si on charge trop la barque, les taux auxquels le pays emprunte sur les marchés mondiaux ne vont pas être supportables. Et les milieux informés évoquent le cas de la Grèce, de l’Espagne et de l’Italie… lorsqu’ils pensent à la France de nos jours. On ne pourra alors plus parler d’un couple ni d’un moteur franco-allemand. Le décrochage a déjà eu lieu : nos partenaires allemands ne comprennent pas notre situation et le champ de ruines politique qui risque de s’ouvrir sous nos pieds montre que nous ne pourrions pas tenir encore longtemps.

De quelque côté qu’on examine la situation, on est confronté à la quadrature du cercle. Le parti d’extrême gauche parle d’imposer son point de vue à l’aide de décrets, au cas où l’actuel président tenterait de le gêner. A la crise économique et sociale viendra s’ajouter la crise institutionnelle.

Cette nation que l’on croyait plongée dans une profonde léthargie vient de prouver qu’elle savait faire valoir son point de vue, même en défiant l’actuel président. La situation est sérieuse et une nouvelle fois, le président saisit l’occasion de s’envoler vers de lointains rivages, au lieu de se concentrer sur ce qui se passe à la maison, chez nous.

Mais pour quelles raisons le président a-t-il pris cette initiative malheureuse ? Voulait- il se venger d’un pouvoir parlementaire qui lui refusait une majorité stable ? Officiellement, il parle d’une nécessaire clarification mais il a abouti à l’inverse. On le compare désormais à un apprenti-sorcier qui a compromis tous les équilibres politiques existants ; même les ministres qu’il avait lui-même nommés depuis sept ans le critiquent ouvertement et manifestent des velléités d’indépendance.

Je pense au Nibelungenlied et au héros Hagen qui a donné son nom au complexe de Hagen. Craignant de friser le déshonneur s’il renonce à la traversée fatale, suite aux sombres prédictions de la diseuse de bonne aventure, il brûle ses vaisseaux : ainsi, même s’il avait peur, il ne pourrait plus rebrousser chemin. Il n’a plus d’avenir mais un seul destin.

Sans emprunter de métaphores à Wagner, il faut bien reconnaître que le macronisme n’est plus. Nul ne devrait s’en réjouir. Le Rassemblement National prend date pour la prochaine consultation électorale, en 2027. C’est dire combien ce pays passe d’une consultation électorale à l’autre. Si les Français étaient plus disciplinés, ils pourraient imiter nos voisins allemands qui ont pris leur temps pour trouver une coalition et s’entendre sur un programme. Apparemment, on n’en prend pas le chemin. Parmi les nouveaux élus du nouveau Front populaire, certains pensent que l’on peut supprimer la loi sur les retraites ; augmenter considérablement le salaire minimum, reconnaitre l’Etat de Palestine, et ainsi de suite, comme pour une addition joyeuse. Où sont les garde-fous ?

Et je ne parle même pas de la dette. Il faut savoir que certains pensent qu’on peut refuser de la rembourser au motif que la France est un état souverain. Mais alors, plus personne ne voudra prêter de l’argent à la France. Et si certains y consentaient, ce serait après une augmentation vertigineuse des taux…

L’année qui vient s’annonce comme étant celle de tous les dangers. Si on ne rétablit pas d’ici un an la situation, nous pourrions nous retrouver dans la situation qui fut celle de la Grèce…

Je me souviens d’une formule de l’hebdomadaire allemand, Die Zeit, qui se moquait de la situation économique de la France au moment où François Mitterrand accédait au pouvoir : Unter roten Fahnen kommt man in die roten Zahlen (Les drapeaux rouges nous poussent dans le rouge.)

Maurice-Ruben HAYOUN

Né en 1951 à Agadir, père d’une jeune fille, le professeur Hayoun est spécialiste de la philosophie médiévale juive et judéo-arabe et du renouveau de la philosophique judéo-allemande depuis Moses Mendelssohn à Gershom Scholem, Martin Buber et Franz Rosenzweig. Ses tout derniers livres portent sur ses trois auteurs.

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